Ma chronique me donne l’impression d’un perpétuel recommencement. En effet, deux événements qui se sont déroulés à la fin du mois d’octobre 2020 viennent conforter s’il en était besoin les propos que j’ai pu tenir au cours des mois qui viennent de s’écouler. Mais, comme nous ne croyons pas ce que nous savons, nous agissons comme si ce que nous savons n’existait pas.
Quels sont ces faits nouveaux ? Tout d’abord, la publication d’une nouvelle étude dans la revue cardiovascular Research analysant la contribution de la pollution de l’air au risque de mort par COVID 19. L’abstract attribue de manière claire l’incidence et la sévérité des cas de COVID à la pollution de l’air. Cette pollution contribuerait à hauteur de 15 % aux décès par covid à l’échelle planétaire, 27 % en Asie du Sud-Est et en Europe, 17 % et en Amérique du Nord. Globalement de 50 à 60 % de la fraction anthropogénique serait en relation avec les fossiles à l’échelle planétaire, 70 à 80 % en Europe et en Amérique du Nord. Cette étude ne fait, en réalité,que conforter les études précédentes mais, elle est extrêmement précise.
La même semaine, on apprend que la France est renvoyée une nouvelle fois de la devant la cour de justice de l’union européenne non plus pour le dioxyde d’azote -ce qui est déjà fait – mais pour les particules fines en particulier avec des dépassements de seuil dans les zones de Paris et de la Martinique pour une durée de 12 et 14 ans et le non-respect de l’obligation de protection des citoyens contre la mauvaise qualité de l’air. Je rappellerai simplement que j’ai fait voter, très péniblement il est vrai, en 1996 une loi sur l’air dont l’article premier proclamait le droit pour chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. Nous étions à l’époque relativement en avance avec le vote de cette loi ; nous sommes désormais très en retard.
Comment peut-on expliquer, face à ces évidences, qu’il ne se passe rien. Ou presque. En effet, ce sont les citoyens une fois encore qui agissent puisque, pour la première fois , les voitures électriques et hybrides ont vu leur nombre de vente dépassé celui des voitures à essence et surtout des voitures diesel.
En revanche, le parlement vient de fixer à 2035 la date à laquelle l’État cessera de subventionner les hydrocarbures et le plan de relance favorise l’achat de véhicules thermiques diesel y compris. Si, dans la ruralité, il est tout à fait normal de ne pas pénaliser l’usage de voitures thermiques, tout en encourageant bien sûr les changements du véhicules( et ce d’autant plus que les voitures électriques peuvent -être rechargées aisément à une échelle individuelle, il en va différemment dans les villes ou à l’instar de ce qu’a décidé la Ville de Paris, les véhicules diesel devraient être bannis des villes plus rapidement possible pour éviter les particules fines et les véhicules thermiques promis à la disparition dans des délais raisonnables.
Mais il n’y a pas que l’automobile. De manière paradoxale, notre addiction hexagonale au nucléaire qui se traduit par un refus de fait de s’engager massivement dans les énergies renouvelables et la sobriété énergétique, a pour conséquence le maintien du charbon et surtout des hydrocarbures dans la production d’électricité, avec les conséquences en termes d’émissions des effets de serre et de santé publique.
En effet, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, ce n’est pas la fermeture des deux malheureux réacteurs nucléaires de Fessenheim qui ont conduit à l’usage du charbon et des hydrocarbures. C’est en réalité la mise à l’arrêt de près de la moitié du parc nucléaire, pour des raisons diverses (manque d’eau dans les rivières pour refroidir les centrales, retard dans les travaux, situation présentant des risques ayant conduit l’autorité de sûreté nucléaire à mettre l’installation à l’arrêt) .Or, le très faible développement des énergies renouvelables dans notre pays (nous sommes à moins de 20 % d’énergies renouvelables – ce qui est une violation des obligations communautaires car nous devrions être à 23 – alors que l’Allemagne est à plus de 50 %…) est à l’origine de cette situation dans la mesure où la relève ne peut pas être prise par les énergies renouvelables.
Ainsi, faute d’avoir considéré que la pollution de l’air était un sujet majeur en termes de santé publique (entre 48 et 70 000 morts par an soit 200 par jour environ) non seulement les décideurs politiques ont maltraité un sujet sanitaire majeur mais encore aggravé très probablement la crise Covid et fait un choix industriel à contre-courant.