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Qu’est-ce qu’une crise systémique ?

publié le 11/12/2022 | par Corinne Lepage

De nombreux auteurs ont caractérisé les temps que nous vivons de crise systémique. Même si le mot de crise est éminemment discutable – dans la mesure où la crise suggère, une fois qu’elle est dénouée, un retour à la situation ex ante, ce qui n’est vraiment pas le cas – la problématique est juste. En effet, nous subissons un dérèglement climatique majeur, une crise énergétique, une remise en cause du vivant sur terre du fait de la sixième extinction des espèces, le dépassement de six des neuf limites planétaires, une crise sanitaire qui n’en finit pas et qui se traduit par des pathologies adjacentes au covid ; et comme si cela ne suffisait pas, le système démocratique est violemment interpellé de l’intérieur par les démocraties illibérales  et la montée massive des populismes, et de l’extérieur par les régimes totalitaires ; enfin, la guerre a réapparu sur le territoire européen avec des conséquences que l’on peut pas encore mesurer. Ce n’est pas un hasard si tous ces dérèglements se produisent simultanément car c’est en réalité notre modèle de développement, les inégalités qu’il génère, les dégâts irréversibles qu’il crée qui est en cause.

Certains auraient pu penser que nos vieilles démocraties, et en particulier la nôtre, attachée au service public, dans laquelle l’État a précédé la Nation et dont le système redistributif est un des moins inégalitaires, serait particulièrement armé pour faire face. Il n’en est rien et 30 ans de politique où la comptabilité, la politique du chiffre ont remplacé la stratégie, la vision à moyen long terme, une gestion humaine par des personnes compétentes dans le domaine considéré et non par des technocrates interchangeables, ont eu raison de nos services publics. Que l’on prenne l’éducation, , la police, la justice et bien sûr la santé, le constat est le même. Un échec cuisant qui fait douter nos concitoyens de toute idée de progrès et les interroge sur le point de savoir si nous ne sommes pas devenu un pays en voie de sous-développement.

Le domaine de la santé est particulièrement illustratif à la fois des très graves difficultés auxquelles nous sommes confrontés et des solutions qui pourraient être mises en place. Entre les déserts médicaux, le manque de médecins spécialistes et généralistes à l’échelle de la France, la situation catastrophique des hôpitaux, la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés au début du covid  sans masque, sans tenue pour les hospitaliers, avec un manque criant de médicaments qui venaient de Chine, l’incapacité de Sanofi de produire un vaccin, il n’est pas un domaine qui échappe à la difficulté. Pour autant, en matière de santé comme dans les autres domaines, il existe des solutions mais ces solutions sont à une échelle systématique et pourraient notamment s’inspirer de ce qui suit :

  • tout d’abord et avant tout, compter différemment et valoriser tout ce qui concerne la prévention des maladies en particulier dans le domaine environnemental. Ne pas considérer les coûts de la prévention et de manière générale les coûts de la santé publique comme des dépenses mais les  considérer avant tout comme des investissements et des sources de réduction de coûts à terme. C’est un peu le même raisonnement que celui qui est tenu aujourd’hui en matière climatique où on mesure les coûts astronomiques du refus d’investir en temps et en heure dans la lutte contre le dérèglement climatique.
  • rémunérer les médecins et le personnel médical de manière correcte afin d’attirer les jeunes talents et tout simplement par souci de justice au regard de professions qui sont indispensables au fonctionnement de la nation, au même titre que la police la justice ou l’éducation nationale
  • revoir la formation des médecins  et de manière plus générale des professions de santé pour intégrer totalement les questions de médecine environnementale et l’adaptation de la médecine aux transformations que nous vivons
  • revenir à une gestion de l’hôpital confiée aux médecins et non plus aux comptables

N’appartenant pas au personnel médical, je mesure les réactions  que ce type de propositions peut provoquer. Néanmoins, la question de la santé publique comme celle de la justice de la police de l’éducation ne sont pas des questions qui appartiennent simplement aux professionnels de ces secteurs. Elles appartiennent à la Nation dans son ensemble et il est plus que temps que ce qui nous fait vivre ensemble, que les besoins premiers qui sont les nôtres en dehors de notre alimentation et de notre habitation, redeviennent des priorités et se transforment, en abandonnant l’idéologie néolibérale qui a détruit nos services publics , pour s’adapter aux urgences d’aujourd’hui.

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