Un article du Monde du samedi 28 décembre 2019, signé par Julien Bouissou, nous apprend que les tradeurs ont maintenant une bonne raison de se tourner vers les investissements verts car la pollution de l’air entraînerait une baisse des cours boursiers. Une étude, publiée en 2016 aux Etats-Unis par le Bureau national de recherche économique (NBER) et intitulée « The effect of air pollution on investment behavior : investment from the S&P 500 » montre qu’à New-York la pollution de l’air a des effets sur les fonctions cognitives et les changements d’humeur qui « réduiraient la tolérance au risque ».
Entre janvier 2010 et novembre 2014, les auteurs de l’étude ont constaté que l’indice des cinq cents plus grandes entreprises cotées à Wall Street enregistrait des performances moins importantes lorsque la qualité de l’air se dégradait dans un rayon de 600 mètres autour de la Bourse de New-York, là où se concentrent de nombreux influenceurs sur les marchés. Ainsi, il existe une corrélation entre la concentration en particules fines dans l’atmosphère et le comportement des investisseurs, bien que les chercheurs aient plus de difficultés à établir un lien de causalité entre les deux. D’autres travaux ont montré qu’un investisseur de mauvaise humeur avait tendance à freiner ses activités sur les marchés financiers, et qu’une piètre météo favorisait au contraire la frénésie boursière.
Alors que de nombreux scientifiques s’intéressent aux conséquences de la pollution de l’air sur la santé, les économistes mesurent son impact sur la productivité et la performance. Anthony Heyes, l’un des auteurs de l’étude publiée par le NBER, disait en 2017 : « En général, la recherche montre que, pour un certain nombre de tâches, la performance diminue davantage pendant les jours de pollution, les cueilleurs de pêches en cueillent moins, les arbitres de baseball sont moins bons à repérer les fautes, les employés des centres d’appel prennent moins d’appel ». Dans une autre étude, publiée en 2016, des économistes de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) montrent que la pollution de l’air entraîne une baisse de productivité du travail, une augmentation des dépenses de santé et des pertes de rendement agricole. Les journées de travail perdues entraînent un recul de la productivité, et les concentrations élevées de polluants, en particulier d’ozone, diminueraient les rendements des cultures.
Ces études sur la performance au travail sont à rapprocher de celles menées par Myhrvold, Olsen et Lauridsen, en 1996, et par Wargocki et Wyon, en 2007, sur la qualité de l’air dans les salles de classe et les performances scolaires des enfants. Elles montrent que l’augmentation des débits de ventilation améliore les scores des élèves aux tests de concentration et les vitesses de réponse, avec presque aucune erreur, aux exercices de calcul.
L’OCDE évalue les coûts de la pollution de l’air sur la santé à 176 milliards de dollars (152 milliards d’euros) dans le monde en 2060, contre 21 milliards de dollars en 2015. A l’échelle mondiale, la pollution de l’air devrait entraîner une baisse du PIB de 0,1%, un chiffre qui varie toutefois en fonction des pays.