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La tribune de Corinne Lepage

Quand le sujet de la santé publique devient un sujet hautement politique

publié le 07/06/2021 | par Corinne Lepage

Cette affirmation apparaît comme une évidence alors que la crise de la covid est encore malheureusement bien présente. Mais, cette affirmation va bien au-delà du sujet COVID stricto sensu.

Cette pandémie planétaire a rappelé l’humanité à une évidence qu’elle avait oubliée : la fragilité de l’être humain et la priorité absolue de la santé, c’est-à-dire de la vie sur toutes les autres considérations. De la politique française du « quel qu’en soit le coût » aux différentes mesures prises dans le monde, le confinement a par définition fait prévaloir la santé sur l’économie.

En France, la situation des hôpitaux, du personnel hospitalier, de l’organisation des systèmes de soins a été au cœur de tous les débats. Le manque de rémunérations, de moyens, l’organisation technocratique de notre système apparaissent désormais comme des aberrations. Elles ne font en réalité que traduire la perte tragique de moyens du service public, en l’espèce hospitalier, mais qui se retrouve dans la police, la justice ou l’éducation. À travers la question du système de soins, c’est toute l’organisation du service public les moyens qui lui sont alloués doivent être repensés.

Mais, le rôle central dans les politiques nationales et internationales de la santé publique va bien au-delà. En effet, la pandémie a fait apparaître le rôle absolument central de la prévention. Celle-ci ne s’arrête évidemment pas aux masques et gestes barrières ni même à la vaccination. Cependant, la pénurie criante de masques durant la première phase de la pandémie a eu évidemment des conséquences sanitaires mais aura peut-être aussi des conséquences judiciaires dans le cadre de la recherche de responsabilités pour cette pénurie. Le fait même que la question se pose va très certainement conduire à une réallocation des fonds publics vers les outils de prévention de manière à reconstituer des stocks qui n’auraient jamais dû disparaître.

La prévention ne se limite évidemment pas à chercher à prévenir la maladie par du matériel. Elle conduit à s’interroger sur les conditions de prévention de l’apparition de la maladie elle-même c’est-à-dire sur les questions écologiques d’une part, la sécurité de la recherche d’autre part.

S’agissant des conditions écologiques, beaucoup a été dit sur les conséquences de la destruction de la biodiversité, de la déforestation et par voie de conséquence sur la proximité entre espèces sauvages espèces domestiques multipliant les risques de zoonoses. À ce constat doit s’ajouter bien entendu tous les problèmes liés à la pollution chimique qui agresse humanité et qui est à l’origine de la multiplication des cancers, des maladies neurodégénératives avec dans certains cas les conséquences reprotoxiques. Bien que les études se multiplient pour souligner les liens entre cancer et pesticides, entre maladie de Parkinson et pesticides, pour établir des corrélations entre le développement de l’autisme et la pollution chimique, jusqu’à présent les intérêts économiques des producteurs et utilisateurs de ces produits l’ont largement emporté sur l’intérêt des humains et du vivant. Il va de soi que cette situation ne peut perdurer que très probablement La justice sanitaire dans les années qui viennent procédera, avec beaucoup plus de temps et de difficultés sans doute, mais procédera aux changements indispensables.

S’agissant de la sécurité de la recherche, les questions de plus en plus précises qui sont posées sur l’origine de la pandémie Covid 19 et la possible fuite d’un laboratoire de Wuhan vont conduire très probablement à une réflexion planétaire sur les conditions de la recherche. En particulier, l’utilisation de la technique des gains de fonction, dont les États-Unis avaient en 2014 en raison des risques qu’elle comprenait, pose problème. L’avenir permettra peut-être de définir avec précision l’origine de la pandémie, mais compte tenu des conséquences économiques et financières, sans parler des conséquences humaines, plusieurs millions de morts, il va de soi que si l’origine était de l’ordre de la fuite de laboratoire même involontaire, les conséquences seraient tout à fait considérables.

Enfin, chacun a pu prendre conscience de ce que la question sanitaire était aussi une question économique. La dépendance de la France et même de l’Europe quant à la production de masques de matériel mais aussi de vaccins a fait comprendre les ravages de la désindustrialisation. Produire ses propres masques, son matériel de soins, ses vaccins en bref assurer son autonomie sanitaire apparaît désormais comme un impératif ; cette autonomie sanitaire est aussi nécessaire que l’autonomie alimentaire, énergétique et même digitale (mais nous en sommes encore plus loin)..

En bref, la santé publique est désormais au cœur de toutes les politiques nationales européennes et internationales. Espérons que cette prise de conscience sera suivie d’effets !

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