Bien que la charte de l’environnement, le traité de l’union européenne, une abondante jurisprudence communautaire et nationale aient fait des principes de prévention et de précaution des principes de valeur constitutionnelle qui en tant que tels s’imposent à toutes les autorités, force est de constater que ces principes ont bien du mal à jouer le rôle en matière de lutte contre la pollution atmosphérique.
Sans doute, un certain nombre de décisions de justice européennes et nationales sont-elles intervenues pour sanctionner la faiblesse française dans ce domaine, le non-respect constant des normes communautaires et la difficulté à mettre en œuvre de véritables décisions de réduction de la pollution. La dernière en date, celle du conseil d’État liquidant l’astreinte due par l’État du fait du non-respect des arrêts rendus enjoignant le respect des normes a-t-elle fait beaucoup parler. 20 millions d’euros qui seront répartis entre différents organismes luttant pour la protection et la qualité de l’air, ADEME, associations de surveillance de la qualité de l’air notamment. Mais, les mesures peinent à se mettre en place et la montée en puissance de la contestation des Z FE risque de conduire le gouvernement à reculer une nouvelle fois.
J’ai souvent tenté de comprendre comment une des pollutions les plus délétères pour nos concitoyens soit près de 50 000 morts par an était si peu prise en compte. Pourtant, des études de plus en plus nombreuses mettent en lumière le lien entre le degré de pollution de l’air et en particulier de particules fines avec de très nombreuses pathologies une dernière étude en date mettant en relation la pollution atmosphérique et les démences (neurologie.org/content/early/2022/10/26). Et le sujet n’est évidemment pas que français puisque c’est près d’un demi-million d’européens qui disparaissent chaque année du fait de cette pollution.
Pour avoir, 26 ans après avoir fait voter la loi sur l’air, constaté son inapplication pendant 20 ans et une faible application plus récemment, du fait de nouvelles dispositions venant renforcer, préciser et actualiser celles qui figuraient déjà dans la loi, je m’interroge toujours sur les raisons d’être de ce traitement. Il trouve sans doute sa source dans la remise en cause très concrète de nos choix de déplacement et de vie, d’organisation mais aussi dans les choix industriels qui ont été faits pour nous. Ainsi, l’inapplication des dispositions communautaires grâce à des dispositifs frauduleux, sanctionner par différents tribunaux correctionnels européens révèle le même travers. De même, il aura fallu attendre 2020 pour que le délit de pollution atmosphérique entre dans notre droit, indépendamment des infractions relevant de la législation des installations classées. Force est de constater que je n’étais pas parvenue à introduire des dispositions pénales dans la loi sur l’air.
Or, il ne s’agit plus aujourd’hui de précaution mais bien de prévention car les risques liés à la pollution de l’air sont parfaitement identifiés et ne se limitent pas à la pollution automobile. La présence de pesticides dans l’air bien au-delà des zones agricoles témoigne des cocktails délétères auxquels nous sommes tous exposés, entraînant une multiplication des allergies, des phénomènes asthmatiques et des bronchiolites de nos nouveau-nés.
Il est plus que temps de changer de braquet. Sans doute, la révolution énergétique qui se met en place permettra-t-elle de s’attaquer réellement au problème.