Blog collège Seiqa

Pour une justice sanitaire

publié le 13/03/2019 | par arcaa

Les récents pics de pollution qui ont affecté de très grandes villes françaises dont Paris, Lyon, Lille et Marseille, ont donné lieu à des pudeurs de jeune fille de la part des responsables politiques chargés pourtant par la loi ,de protéger la santé publique et donc de prendre des mesures effectives et efficaces de réduction de la pollution. Certes, la voiture n’est pas la seule coupable puisque le chauffage au bois et l’industrie, pour ce qui en reste, contribuent également à rendre l’air irrespirable. Mais, les restrictions de circulation automobile ont l’avantage de pouvoir se décider facilement et d’ avoir un effet immédiat. Déjà, la loi sur l’air du 30 décembre 1996 donnait à l’État la possibilité d’intervenir en cas de risque de pic de pollution et pas seulement lorsque l’élévation de la pollution se faisait sentir. Le code de l’environnement dans sa rédaction actuelle prévoit très clairement l’action par anticipation ; de plus, la mise en place des vignettes Crit air permet une sélection plus intelligente que celle des plaques paires et impaires.

Pourtant, l’application par anticipation n’est jamais mise en place et, la présence de pics de pollution prolongés ne donne pas nécessairement lieu à autre chose qu’une baisse de la vitesse qui est peu ou pas observée par les automobilistes et qui ne n’a donc aucun effet sur la situation ambiante. Ainsi, la ville de Marseille, pourtant extrêmement polluée, n’a eu le droit à aucune mesure de restriction de la circulation automobile à la différence de Lyon et Lille. À Paris, il a fallu l’insistance de la maire de Paris pour qu’enfin, et pour une seule journée, alors que deux ou trois jours de forte pollution avaient précédé , l’interdiction soit édictée pour les véhicules les plus polluants (classe quatre et cinq).

Comment expliquer ce laxisme alors que les médecins et les hôpitaux ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur l’augmentation incontestable des pathologies pulmonaires et cardiaques les jours de pics de pollution et que la loi est très claire quant à l’obligation d’agir ? D’une part, force est de constater que les villes en Europe et dans le monde qui sont les plus en pointe dans la lutte contre la pollution atmosphérique sont celles dans lesquelles le pouvoir d’intervenir appartient au maire et non pas à l’État. D’autre part, et tout le débat autour de la taxe carbone en témoigne s’il en était besoin, la question de la voiture reste un marqueur et un totem. De plus, et au mépris de toutes les études scientifiques, d’éternels débats continuent à remplir la sphère médiatique, créant des doutes là où il n’y en a pas. Ainsi, revient sur le tapis la prétendue absence de nocivité du diesel qui permettrait de classer les véhicules les plus récents diesels dans la catégorie crit air un… au motif que de nombreux emplois seraient mis en cause par l’abandon du diesel. Une fois de plus, c’est posé problème à l’envers et faire peser sur tous nos concitoyens un risque sanitaire du au manque de clairvoyance du lobby automobile et sa capacité à faire prendre des vessies pour des lanternes aux pouvoirs publics.

C’est la raison pour laquelle, comme dans le domaine climatique, où malheureusement l’inaction devient la règle dissimulée sous un flot de communication, le domaine sanitaire ne progressera réellement que lorsque la justice sanitaire se mettra en marche. Le mouvement est lancé en ce qui concerne les pesticides et il concerne le monde entier. Il démarre en ce qui concerne la pollution de l’air avec en particulier le succès remporté par les Villes de Paris, Madrid et Bruxelles devant le tribunal de justice européen contre la Commission contre la décision prise à la suite du dieselgate.

Il faudra malheureusement un certain nombre de procès reconnaissant la faute résultant de l’inaction voire mettant en cause la responsabilité des décideurs pour qu’enfin la santé publique ne soit plus un simple slogan mais une véritable priorité nationale.

Corinne Lepage
Ancienne Ministre de l’Environnement
Huglo Lepage Avocats

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