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Point de vue du Président du collège interdisciplinaire SEIQA

Particules ultrafines : des niveaux deux fois plus élevés près du trafic routier à Paris

publié le 10/01/2024 | par Fabien Squinazi

Les particules ultrafines (PUF) sont des particules solides présentes dans l’air dont le diamètre est inférieur à 0,1 micromètre (100 nanomètres). À ce jour, seules sont réglementées les particules plus petites que 10 micromètres (PM10) et que 2,5 microns (PM2,5) pour leurs effets sur la santé ; plutôt respiratoire pour les PM10, cardiovasculaire et neurologique pour les PM2,5, qui sont plus petites et peuvent passer dans le sang. Toutefois, les recherches sanitaires mettent également l’accent sur la nocivité de particules encore plus petites et en fonction de leur composition. L’Anses, dans un rapport publié en juillet 2019, précise que : « Les données recueillies depuis 2013 confirment ou renforcent le lien avec des atteintes respiratoires et cardiovasculaires et les décès anticipés. D’autres études, en petit nombre, suggèrent des effets sur la santé neurologique, la santé périnatale, le développement des performances cognitives de l’enfant, ainsi qu’un effet du carbone suie sur le faible poids de naissance. La connaissance de leur nature (carbone suie, organique,…) est essentielle pour mieux documenter leurs effets ».

Une campagne de mesures des PUF, menée à Paris par Airparif de février à avril 2022 (31 janvier au 5 mai 2022), avec la Ville de Paris et Bloomberg Philanthropies, a permis de renforcer les connaissances sur ce polluant atmosphérique non réglementé et nocif pour la santé. Ces travaux, préconisés par l’Anses (2018) et l’OMS (2021), visent à mieux comprendre la variabilité spatiale et temporelle des PUF, dans l’objectif d’en améliorer progressivement la surveillance et de contribuer aux propositions sur la révision de la directive européenne sur la qualité de l’air ambiant. Quatre sites de mesure ont été instrumentés en complément du site de référence de fond parisien, depuis 2019, situé dans le jardin des Halles : 2 points à proximité immédiate du trafic routier (boulevard périphérique Est et boulevard Haussmann) et 2 points en situation de fond urbain (Paris 18ème et Paris 19ème). La mesure des niveaux de PUF a été réalisée à l’aide d’analyseurs de type CPC (Condensation Particle Counter) et SMPS (Scanning Mobility Particle Sizer) permettant l’acquisition de résultats en nombre total de particules mais aussi en profil granulométrique pour les particules de 5 à 400 nanomètres de diamètre (121 classes de tailles). 

Le comptage moyen du nombre total de PUF (gamme de 5 à 100 nm) met en évidence que les sites de fond Paris 1er les Halles et Paris 18ème présentent des niveaux de PUF similaires et que les nombres de PUF sur les sites trafic du boulevard Haussmann et du boulevard périphérique sont 2 à 2,5 fois supérieurs à ceux observés sur les sites urbains de fond étudiés. Pour chaque site, le diamètre de particules associé au plus grand nombre de particules, dit « mode majeur », est inférieur à 30 nanomètres. Cette tranche de taille fait partie intégrante du mode appelé « Nucléation », indiquant qu’une part majoritaire des particules est « fraîchement » émise, notamment par le trafic routier. Un profil moyen journalier à deux bosses (le matin et le soir, qui correspond aux heures de pointe du trafic) est observé sur l’ensemble des sites, sur la période hivernale et printanière, ce qui est caractéristique d’un impact lié au trafic routier. Les mesures de carbone suie et la corrélation de la fraction issue de la combustion d’hydrocarbures avec les nombres de particules ultrafines confortent l’influence du trafic routier sur les sites d’étude.

L’analyse des profils moyens journaliers du nombre des PUF montre que l’augmentation des niveaux de PUF en matinée est observée en premier sur le boulevard périphérique (pic à 6h du matin), puis ensuite au sein de Paris intra-muros, comme cela est bien visible sur le site du boulevard Haussmann (augmentation plus tardive). Les niveaux baissent ensuite légèrement pour se stabiliser en cours de journée et se réintensifient en fin de journée après 18h. Ce profil, en lien avec celui de l’évolution du trafic, est différent pour le boulevard périphérique (trafic moyen journalier annualisé de 243 400 véhicules par jour) et les autres axes de Paris intra-muros (38 000 véhicules par jour pour le boulevard Haussmann).

Les corrélations des nombres de PUF par classe granulométrique et des concentrations de carbone suie sont les plus fortes pour les particules dont le diamètre se situe entre 70 et 100 nanomètres, ce qui correspond à la gamme de taille signature de la combustion de biomasse, que ce soit sur les sites de fond ou le site trafic du boulevard Haussmann. Ainsi, la présence notable à Paris de PUF issues de la combustion de biomasse (chauffage pour la période hivernale) a été mise en évidence, malgré des conditions contrastées sur la période, avec des températures froides sur peu de jours, propices à l’utilisation de chauffage au bois. Les sites de mesure de fond ayant été choisis dans des zones potentiellement impactées par le chauffage au bois, ces résultats ne permettent pas de conclure sur son impact à l’échelle du territoire parisien.

La campagne de mesures a été marquée par une période avec des conditions météorologiques favorables à la génération de particules « fraîches » appelées « Aérosols Organiques Secondaires » (AOS). Les températures douces autour de 20°C, les vents faibles et un ensoleillement soutenu, associés à la présence de précurseurs d’aérosol (composés organiques volatils…), ont généré ces nouvelles particules dans la gamme de taille inférieure à 10 nanomètres, ce qui explique que les niveaux des PUF de diamètre inférieur à 30 nanomètres aient été les plus forts lors de cette période. De plus, cette période a été favorable à l’augmentation d’Aérosols Inorganiques Secondaires (AIS), notamment en fin de soirée et la nuit.

Une étude comparative des niveaux de PUF de métropoles européennes et nord-américaine révèle qu’en situation de fond urbain, éloignée des principales sources de pollution, les niveaux de PUF sont plus élevés à Paris sur la période de mesure que dans les métropoles étudiées. Cette différence de niveau est à analyser au regard des conditions climatiques et météorologiques potentiellement différentes entre les sites de mesure. Les variabilités mensuelles sur les sites où les informations sont disponibles montrent en effet que les différents sites urbains présentent des ordres de grandeurs de niveau similaires. D’autres facteurs, comme la densité de population et celle du réseau routier, très fortes dans l’agglomération parisienne, peuvent aussi influencer ces résultats. Les niveaux de particules, mesurés sur les stations à proximité du trafic routier, sont quant à eux dépendants des caractéristiques de la station de mesure, des conditions de circulation (configuration routière en sens- unique ou double-sens, nombre de voies, vitesse, congestion…), de la composition du parc routier, influencé aussi par les Zones à Faibles Émissions différentes. Une analyse plus approfondie des niveaux de PUF au regard des caractéristiques du parc routier, dont le type de véhicules en circulation et la vitesse de circulation, grâce à une caméra de reconnaissance de véhicules implantée sur le site trafic du boulevard Haussmann, sera réalisée lors de l’interprétation des résultats de la seconde campagne de mesure de l’été 2023 au cœur de Paris.

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