Les éruptions cutanées médicamenteuses (toxidermies) sont les plus fréquentes des accidents immunoallergiques déclenchés par les médicaments. Elles ont des aspects cliniques très variés. Il faut apprendre à les reconnaître et savoir en déceler les signes de graviter.
Le risque d’un accident cutané médicamenteux est imprévisible, il n’est pas lié au terrain atopique (terrain d’allergie constitutionnelle). Aucun test sur la peau ou au laboratoire n’est capable de prévoir le risque d’éruption médicamenteuse. Les tests sont donc inutiles à réaliser avant la prise d’une thérapeutique, par contre les tests cutanés peuvent aider au diagnostic chez un patient qui a développé une éruption cutanée au cours d’un traitement comportant un ou plusieurs médicaments afin de déterminer le responsable.
Les bilans servent à affirmer ou infirmer la responsabilité d’un médicament dans la survenue de la dermatose (lésion cutanée).
L’urticaire survient brutalement avec des lésions ressemblant à des piqûres d’ortie, avec des plaques surélevées, rosées ou très rouges de petites tailles ou au contraire faisant plusieurs centimètres de diamètre. Elle s’accompagne de fortes démangeaisons. Elle est traitée par des médicaments antiallergiques appelés antihistaminiques.
Il peut, aussi apparaître un œdème de Quincke avec un œdème des lèvres parfois des paupières voire d’un œdème de la langue ou de difficultés à avaler sa salive. Il faut alors immédiatement consulter un médecin. Dans les formes graves, l’urticaire s’accompagne d’un malaise, d’une chute de tension artérielle nécessitant l’injection d’adrénaline. Une crise d’asthme peut aussi compliquer une urticaire. Dans toutes les urticaires compliquées un médecin doit être appelé en urgence.
Les vasculites se présentent comme de petits hématomes violacés prédominant sur les jambes. Cela s’appelle un purpura. Ce purpura peut s’accompagner de lésions rouges et/ou de bulles. Les vasculites surviennent dans les 10 jours qui suivent le début de la prise d’un médicament ou l’injection d’un sérum ou d’un vaccin. Les médicaments responsables doivent être arrêtés dès l’apparition de la vasculite car cet accident médicamenteux peut atteindre d’autres organes, en particulier le rein.
Les exanthèmes maculo-papuleux sont les plus fréquents des accidents cutanés médicamenteux immuno-allergiques. La peau est couverte de petites lésions rouges, rosées ou un peu violacées, en relief ou non, avec ou non des démangeaisons. Ces lésions ressemblent à celles observées dans la rougeole ou la rubéole. Ils surviennent dans les 2 semaines qui suivent la prise du médicament. Ils peuvent donc apparaître alors que le médicament est arrêté depuis quelques jours. Il existe des formes d’exanthème maculo-papuleux avec une fièvre, des ganglions palpables, et un œdème du visage qui peuvent apparaître même 6 semaines après le début du traitement responsable. Ces formes sévères nécessitent une hospitalisation rapide car une atteinte d’autres organes, principalement le foie, peut y être associée. Il existe enfin des toxidermies graves avec des érosions buccales, des bulles et des décollements cutanés qui nécessitent une hospitalisation en urgence.
Les photoallergies (réaction au soleil) apparaissent lorsqu’on prend ou que l’on applique sur la peau un médicament photosensibilisant. Tant que le médicament est pris sans exposition solaire, il ne se asse rien. Par contre, dès que la peau est mise au soleil, apparaissent sur les zones exposées, des rougeurs, parfois avec des petites vésicules (petites « cloque
Etablir un diagnostic n’est pas toujours facile, et il est encore plus difficile d’identifier le(s) médicament(s) responsable(s).
Les tests cutanés peuvent être utiles pour déterminer quel médicament a déclenché l’accident.
Ils comportent :
• des tests épicutanés appelés aussi patch-tests appliqués sur le dos durant 48 heures ; ils sont lus à 48 et 96 heures. Ils sont intéressants pour le bilan des exanthèmes maculo-papuleux, ou des eczémas.
• les prick-tests sont réalisés sur l’avant-bras par une micropuncture au travers du médicament suspect. Ils sont lus à 20 ou 30 minutes. Ils sont intéressants , surtout dans le bilan d’une urticaire, d’un œdème de Quincke ou d’un choc anaphylactique. Il est intéressant de les lire aussi après 24 heures avec certains médicaments ou vaccins.
• les injections intra-dermiques doivent être réalisées en cas de négativité des autres tests mais surtout sous surveillance médicale prolongée, lues à 30 minutes, 24 heures, et si négatives à 3 ou 7 jours.
Ces tests doivent être réalisés dans des centres spécialisés (allergologie, dermatologie, etc…) dans la prise en charge des éruptions médicamenteuses et la réalisation de ces bilans.
Ces tests cutanés ne sont positifs que dans 70 % des cas, ce qui montre qu’un test négatif n’exclut pas la responsabilité d’un médicament dans la survenue d’une toxidermie.
Les bilans en plus de la connaissance des classes médicamenteuses, permettent de :
• Déterminer la (les) molécule(s) responsable(s) de la toxidermie.
• Déterminer et exclure toutes les molécules se ressemblant chimiquement, susceptibles d’induire une récidive (allergie croisée).
• Pouvoir reprendre les autres médicaments (par exemple : les médicaments contre la douleur, la fièvre) dès que le responsable est bien identifié.
• Rechercher des médicaments bien supportés par le patient. Ces derniers ont les mêmes effets thérapeutiques, mais avec une formule chimique légèrement différente, excluant la possibilité d’allergie croisée. Par prudence, on vérifiera par des tests cutanés, que ces médicaments seront bien supportés avant de les réutiliser. Votre médecin pourra s’assurer, sous surveillance hospitalière de la bonne tolérance de ces médicaments (réintroduction du médicament).
En urgence il faut :
– prendre une photographie
– téléphoner à votre médecin, qui vous donnera la conduite à tenir, et vous précisera le(s) médicament(s) à arrêter
– attention : bien noter TOUS les médicaments : contre la douleur, « pilules » pour dormir et infusions, homéopathie, phytothérapie, etc…
– consulter un médecin en urgence si l’éruption médicamenteuse : – est une urticaire, un œdème de Quincke; – s’accompagne de malaise ou de crise d’asthme; – est une éruption étendue accompagnée de fièvre, d’érosions buccales (bouche, lèvres) ou génitales, de bulles, de décollements de la peau, d’un œdème du visage, de ganglions palpables
– dans tous les cas, consulter rapidement
– ne faire aucune automédication
– conserver les médicaments pris au moment de l’éruption et les emballages et rassembler toutes les ordonnances récentes
– ne jamais essayer de reprendre sans l’avis de son médecin, le(s) médicament(s) responsable(s), car la récidive est souvent plus grave
Un médicament appartient :
• à une famille thérapeutique : antibiotique ou anti-inflammatoire
• comprenant des groupes chimiques : béta-lactamines ou anti-inflammatoires non stéroïdiens le plus souvent mis en cause ;
• comprenant eux-mêmes des classes (parentés chimiques, allergies croisées fréquentes) : pénicillines A arylpropioniques ou dérivés de l’acide carboxylique
• comprenant un groupe de molécules avec leur nom chimique (dénomination commune internationale d.c.i.) : amoxicilline ou kétoprofène
• vendu sous différents noms commerciaux différents par des laboratoires pharmaceutiques CLAMOXYL® ou HICONCIL®, PROFENID® ou KETUMf®
Selon le Type de toxidermie , le délai d’apparition après le début du traitement responsable ou délai d’apparition après l’arrêt du traitement responsable
• Urticaire, œdème de Quincke de quelques mn à 24 heures ou quelques h à quelques jours
• Vasculite de 1 à 10 jours ou 2 à 3 semaines
• Exanthème maculopapuleux de 24 heures à 10 jours ou 4 à 10 jours
* Formes sévères (DRESS) de quelques jours à 6 semaines ou plusieurs semaines
• Syndrome de Lyell : de 48 heures à 15 jours ou 3 à 4 semaines
• Allergie de contact : de quelques heures à 48 h ou 1 à 3 semaines
Il est important de retenir que le médicament responsable peut être pris depuis plusieurs jours dans certaines formes de toxidermie.
Bannir des idées fausses :
• Ne pas essayer de deviner quel médicament parmi plusieurs a déclenché l’éruption mais donner la liste de tous les médicaments pris, y compris :
– les suppositoires, collutoires, les pastilles pour le mal de gorge, les collyres, les solutions nasales…
– les médicaments les plus usuels ou supposés être sans effet secondaire, comme ceux contre la douleur, les somnifères, les traitements hormonaux, anti-grippaux, homéopathie, phytothérapie, infusions…
• Ne pas penser qu’un médicament bien supporté antérieurement ne peut pas être en cause. Le plus souvent la toxidermie ne survient pas lors de la première prescription de la molécule mais lors des prises ultérieures
Avoir à l’esprit :
• qu’un même médicament :
– avec un nom chimique ou une dénomination commune internationale (d.c.i.) identique,
– sous différents noms commerciaux,
– quelle que soit la forme utilisée (comprimé, sirop, pommade, collyre, etc…)
pourra déclencher une réaction chez des patients allergiques à ce médicament.
Ecrit par le Dr Françoise Leprince.