A la liste des personnes vulnérables à la pollution atmosphérique, il faut ajouter les personnes qui vivent dans la rue et qui sont plus fortement exposées que d’autres personnes logées ou hébergées. Selon l’Insee, une personne est dite « sans abri » si elle passe la nuit dans un lieu non prévu pour l’habitation. A l’inverse des « sans domicile fixe » qui ne peuvent pas avoir de logement personnel mais qui ont passé la nuit dans un foyer, à l’hôpital, dans un squat ou hébergées par un particulier, une association. En 2012, l’Insee comptait 141 500 personnes sans domicile fixe en France
métropolitaine, dont 9% sans abri. A Paris, selon les chiffres récoltés dans le cadre de « La nuit de la solidarité » en février 2018, ils seraient près de 3 000 sans abri dans les rues de Paris.
En 2010, un rapport de l’Inserm évaluait à un tiers la part des sans-abri souffrant d’au moins une maladie chronique. Parmi les plus citées, les maladies respiratoires ou ORL (7,4% de la population), le diabète (6,2%), l’hypertension (5,2%), les maladies psychiques (4,7%), les maladies cardio-vasculaires (4,3%) et les maladies du système digestif (3,8%). Des chiffres corroborés par le collectif « Les morts de la rue » qui établit chaque année les causes de décès des personnes à la rue. En 2017, sur les 253 morts répertoriés, 48 étaient imputables à une ou plusieurs tumeurs, 48 à des maladies de l’appareil circulatoire et 11 à des maladies de l’appareil respiratoire. La santé des sans-abri est particulièrement impactée par la précarité et leurs conditions de vie.
Les sans-abri sont souvent exposés directement aux abords des sources de pollution, plusieurs heures par jour, au jour le jour et durablement. Pour ces personnes déjà soumises à plusieurs facteurs de risque, souvent peu contrôlés, la forte exposition à la pollution extérieure constitue un facteur supplémentaire de vulnérabilité, à l’origine de maladies (respiratoires, cardiovasculaires, neurologiques…) et de perte d’espérance de vie. Selon Santé Publique France, vivre à moins de 150 mètres d’un grand axe de circulation augmente de 15 à 30% la survenue d’asthme, de maladies respiratoires chroniques ou de maladies cardiaques.
Pourtant, cette problématique est peu abordée en France car aucune étude scientifique ne s’est réellement penchée sur le sujet. La difficulté de la recherche vient de la plurifactorialité des maladies et des décès, mais aussi du faible suivi sanitaire dont peuvent bénéficier les sans-abri. En matière de prévention santé, du moins pendant les périodes de pollution élevée, si les messages sanitaires s’adressent principalement aux personnes qui font une activité physique intense à l’extérieur ou à celles qui travaillent à l’extérieur, il ne faudrait pas oublier les sans-abri, comme ceux qui sont à un feu rouge, assis ou couchés sur un trottoir ou à proximité du boulevard périphérique. On pourrait alors imaginer des places d’hébergement supplémentaires, comme lors d’un Plan Grand Froid…
Fabien Squinazi
Président du collège d’experts