Face à la crise sanitaire exceptionnelle du Covid-19, le gouvernement a fortement encouragé les entreprises à utiliser le télétravail pour leurs collaborateurs. Cinquante-cinq jours après le confinement généralisé de la population, et malgré le déconfinement progressif, le télétravail était encore largement promu pour limiter les rassemblements dans les entreprises, du fait d’une circulation du virus toujours présente mais très ralentie.
Le droit social est construit sur le constat d’un rassemblement en un même lieu de plusieurs personnes qui exécutent un certain nombre de tâches sous la direction d’une autre. L’apparition du salariat au XIXe siècle a été le moment de dissociation du lieu de travail subordonné de celui de l’habitation. Le législateur d’abord national, puis européen, a réglementé ce que l’on nomme aujourd’hui le « milieu de travail ». Le livre II de la quatrième partie du code du travail est ainsi entièrement consacré aux lieux de travail. On y trouve des règles sur l’aération des locaux, l’insonorisation, la propreté des surfaces de travail, les installations électriques etc. En outre, l’article L.4221-1 du code du travail pose en principe général que « les établissements et locaux de travail sont aménagés de manière à ce que leur utilisation garantisse la sécurité des travailleurs » et précise qu’ « ils sont tenus dans un état constant de propreté ».
Alors que pour les salariés, dont les tâches exigent leur présence en un endroit donné à un moment donné, continueront de se voir appliquer le droit social dans ses grandes lignes actuelles, pour les salariés en mesure d’exécuter à domicile des tâches « dématérialisables », les règles d’encadrement des conditions de travail ne sont qu’imparfaitement applicables. Comment l’inspection du travail veillera au respect des règles d’hygiène et de sécurité des locaux de travail ? Comment les normes techniques du lieu de travail seront vérifiées ? Comment le médecin du travail, qui est le conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel et des services sociaux, interviendra sur le lieu de travail, et notamment sur l’hygiène générale, et pour prévenir l’apparition de risques psycho-sociaux d’un salarié isolé ? Comment les instances représentatives du personnel pratiqueront le dialogue social ? Comment adapter les mécanismes de contrôle sur le lieu effectif de réalisation du travail ?
Francis Kessler, maître de conférences à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, nous rappelle, dans un article du Monde du 29 mai 2020, qu’il devient urgent, devant le récent et considérable développement du télétravail, de réfléchir à l’adaptation des règles actuelles du travail à domicile ou encore au développement des accords collectifs sur le télétravail qui restent embryonnaires quant à l’encadrement de l’hygiène et la sécurité, et de la qualité de l’air du lieu de travail à domicile. A ce sujet, des éléments d’information sont donnés dans cette lettre par Anne Herberich-Cluzeau, Conseillère médicale en environnement intérieur, pour intégrer la lutte contre la diffusion du virus dans nos actions d’amélioration de la qualité de l’air intérieur.