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La tribune de Corinne Lepage

La tribune de Corinne Lepage – Newsletter 71

publié le 09/01/2019 | par arcaa

En ce début d’année, il est coutume de formuler des vœux et de commencer par la santé. Ce n’est pas un hasard. En effet, si bien des accidents peuvent survenir au cours d’une vie, de nature diverse, ceux qui touchent à la santé sont les plus préoccupants non seulement parce qu’ils peuvent mettre en péril la vie, mais par ce que l’affaiblissement du corps exclut toute réussite par ailleurs. Or, de manière assez curieuse, nos sociétés qui font de la santé le premier vœu en début d’année n’en font pas une priorité de leur politique. Comme si la question de la santé restait une question individuelle alors que la santé publique est évidemment une question collective et de politique publique.

Dans certains domaines, gestion individuelle et gestion collective se rejoignent ; il en va notamment ainsi du domaine de l’alimentation où la protection que la puissance publique doit aux consommateurs devrait exclure que puissent être autorisés des produits toxiques comme les pesticides. Mais les choix individuels en faveur en particulier de l’agriculture biologique peuvent laisser une marge de manœuvre à l’individu.

Dans d’autres domaines , en revanche, les individus ne peuvent que subir. Tel est en particulier le cas de la pollution de l’air contre laquelle personne à titre individuel ne peut se prémunir. Or, paradoxalement, c’est probablement un des domaines les plus maltraités des politiques publiques. De manière générale, les politiques de prévention en matière de santé publique sont très défaillantes, le ministère de la santé étant bien davantage celui de la maladie c’est-à-dire du curatif que de la santé c’est-à-dire du préventif. Prévention est souvent confondue avec détection ce qui permet de s’affranchir de véritables politiques de prévention qui commence à l’évidence avec la qualité des milieux naturels : air, eau ,sol et de l’alimentation. Et, il ne peut y avoir de prévention que pour autant qu’il y ait une parfaite connaissance des données. Or, si la France s’est dotée de plans nationaux santé/ environnement dont l’effectivité et l’efficience restent largement à démontrer, elle a en revanche soigneusement déconstruit les outils de connaissance qui s’étaient mis en place grâce à l’Institut français de l’environnement supprimé en 2003. Il n’existe plus aujourd’hui, en matière environnementale ,de données indépendantes, sur l’état des milieux. Et, en matière de santé publique, l’affaire dite des bébés sans bras témoigne de la réticence pour ne pas dire davantage des pouvoirs publics à disposer de données fiables émanant d’organismes indépendants.

En matière de pollution de l’air, la situation est légèrement différente dans la mesure où les organismes de qualité de l’air ont une obligation légale de fournir un certain nombre d’informations auxquelles les citoyens ont droit et qui répondent à des normes contrôlées par les pouvoirs publics y compris au niveau communautaire. Cette situation apparemment plus satisfaisante au niveau de la connaissance n’est pourtant pas un élément suffisant pour conduire à des politiques rigoureuses. La lutte contre la pollution de l’air reste à des parents très pauvres des politiques publiques pour la bonne et simple raison qu’elle remet en cause, plus que les autres domaines, l’organisation de notre vie et plus précisément encore l’aménagement et la conception de nos villes et de nos transports. Pourtant, le coût social de la pollution de l’air est parmi les plus élevés non seulement en perte de vies humaines mais en couts acquittés par nos sociétés. Ainsi, le cout social de la route est de l’ordre de 100 milliards.

Tous ceux qui ont pris conscience de ces réalités mais aussi ceux qui ont compris que la question climatique, la question de la biodiversité et celle de la santé environnementale sont en réalité une seule et même problématique qui concerne la survie même des espèces dont l’espèce humaine ne peuvent avoir qu’un seul objectif : convaincre la majorité de l’urgence du changement.

Corinne Lepage
Ancienne Ministre de l’Environnement
Huglo Lepage Avocats

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