Le projet de loi dite ASAP, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, est le dernier avatar d’une série de textes qui, depuis trois ans, ont entrepris, sous prétexte de simplification de la vie des entreprises, de détricoter scientifiquement et à une échelle industrielle le droit de l’environnement et de la santé environnementale. Tous les domaines sont concernés et ce d’autant plus que la loi sur l’urgence sanitaire a servi de prétexte à la généralisation par ordonnance, du droit donné à tous les préfets de déroger à toutes les normes environnementales et sociales, dès lors que cette dérogation présenterait un intérêt sur le plan économique. Même si le rappel du respect des règles d’ordre public d’intérêt général figure dans le texte, force est de constater qu’aucune limite n’est mise à cette systématisation de la dérogation aux normes.
La loi ASAP apporte une nouvelle contribution de taille en légalisant la non-communication des documents en matière de santé et d’environnement émanant du monde industriel sous le double prétexte du secret des affaires et du risque terroriste. Cette décision enterre évidemment tout projet de culture du risque pourtant indispensable dans un pays qui veut réindustrialiser et par voie de conséquence qui ne peut que renforcer les risques existants. Ceci s’ajoute aux mesures déjà prises pour réduire les cas dans lesquels une étude d’impact, une étude de dangers ou une autorisation environnementale sont nécessaires . C’est du reste dans ces conditions que Lubrizol s’est vu délivrer une nouvelle autorisation en mars, puis en juillet 2019 sans que l’étude de dangers de 2014 n’ait été revue et malgré une forte augmentation du stockage… de la même manière, la démocratie environnementale fortement remise en cause malgré nos obligations communautaires et internationales puisque nous sommes signataires de la convention d’Aarhus qui prévoit le droit à l’information, le droit à la participation et l’accès au juge.
Or, ces trois droits fondamentaux sont très clairement remis en cause. D’une part, sous prétexte de risque terroriste et de secret des affaires, l’accès à l’information est de plus en plus restreint non seulement en ce qui concerne le respect des normes et la régularité du fonctionnement de l’installation, mais aussi en ce qui concerne les rejets de toute nature, les nuisances les pollutions.
S’agissant de la participation, les enquêtes publiques sont supprimées, les procédures de concertation sont réduites à leur plus simple expression et la commission nationale du débat public menacé de suppression. S’agissant enfin de l’accès au juge, la loi ASAP vient encore réduire l’effectivité. En n’autorisant en effet que des travaux se fassent avant toute autorisation, il est clair que l’objectif est de rendre sans aucune utilité tout référé. Ajouté à toutes les procédures qui permettent désormais de régulariser les décisions illégales, de réduire l’accès au juge des associations, ce nouveau recul illustre le fait que nous sommes en présence d’une véritable stratégie de destruction de droit de l’environnement.
Lorsque l’on sait qu’en réalité les normes environnementales ont été fixées non pas en fonction de ce que les considérations sanitaires imposaient mais en fonction de ce que les technologies permettaient à un coût économiquement acceptable, il est clair que notre système juridique actuel n’est aucunement à même de protéger convenablement la santé de nos concitoyens, la biodiversité et la qualité de nos ressources.