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La décomposition des algues échouées sur les côtes expose à des gaz toxiques

publié le 06/11/2022 | par Fabien Squinazi

En novembre 2016, Mme X achète la maison des Y, qui se trouve à la Martinique sur la commune du Robert, à 40 mètres du littoral atlantique. En avril 2018, elle demande l’annulation de la vente et la restitution du prix (230 000 euros). Elle affirme qu’elle n’aurait jamais acheté cette habitation si elle avait su qu’elle était régulièrement atteinte par les émanations de gaz toxiques que provoque l’échouage et la décomposition des algues sargasses ou algues brunes. En effet, explique-t-elle, la qualité de l’air était un « élément déterminant » de son achat, car elle a un enfant asthmatique. Elle assure que les vendeurs, questionnés à plusieurs reprises sur la présence de sargasses, lui ont menti en assurant que leur maison était épargnée. Elle montre un reportage télévisé, de juin 2015, dans lequel M. Y proteste contre les nuisances que les gaz provoquent dans son quartier. Les Y répondent qu’ils ne peuvent pas avoir dissimulé intentionnellement une information notoirement connue. Ils contestent en outre avoir su que le fils de Mme X était asthmatique.

Les Y gagnent en première instance et en appel. La cour de Fort-de-France admet certes qu’ils ont « répondu mensongèrement «  aux questions de l’acheteuse, avec « la volonté de tromper ». Mais elle refuse d’annuler la vente pour « dol » (dolosif : manœuvres frauduleuses destinées à tromper). Ce que la Cour de Cassation, saisie par Mme X, leur reproche, le 15 juin 2022, en précisant que compte tenu du caractère « répété » du questionnement de celle-ci, ils savaient que leur mensonge portait sur un « élément déterminant »  pour elle.

La décomposition des algues sargasses, échouées massivement sur les côtes antillaises, expose les populations à des dégagements gazeux d’ammoniac et de sulfure d’hydrogène. Le Haut Conseil de la santé publique, saisi par la Direction générale de la santé,  a publié le 8 juin 2018, après deux avis précédents en mars 2012 et juillet 2015, un avis relatif à la définition de mesures de gestion pour prévenir les impacts sur la santé des populations exposées aux émissions d’algues échouées. Le Haut Conseil recommande de (1) privilégier la collecte des algues en pleine mer, avec un ramassage côtier quotidien en complément. La manutention des algues en décomposition génère des risques et nécessite des mesures de prévention/formation des agents. (2) utiliser, en cas d’obstacles physiques à un ramassage rapide (dans les 48h), des techniques de stabilisation des algues dont l’impact environnemental sera apprécié au cas par cas. (3) poursuivre la mise en place d’un centre de crise pour coordonner 7j/7 les informations sur les échouages et la mobilisation des moyens. (4) développer une procédure de pré-alerte pour rendre plus efficaces l’information et les mesures de prévention, grâce à la surveillance en mer et par image satellite. (5) diffuser les informations auprès des populations selon leur vulnérabilité et les niveaux de toxicité définis pour les présences du H2S et NH3.

En France métropolitaine continentale, les macroalgues marines sont présentes sur les côtes rocheuses de l’Atlantique et de la Manche, avec des blooms d’algues vertes (espèces du genre Ulva). La décomposition des ulves, présentes sur les plages, les vasières, les rochers, ou les galets, peut se faire par voie anaérobie et entraîner une pollution par le gaz toxique H2S.  Le Haut Conseil de la santé publique a publié le 10 décembre 2021 un avis relatif aux seuils d’intervention et aux mesures de gestion pour prévenir les effets sur la santé des populations exposées à l’hydrogène sulfuré provenant d’algues vertes échouées sur les côtes. Outre les mesures de gestion recommandées pour les algues sargasses, le Haut Conseil recommande, dans les zones identifiées comme zones à risques, une interdiction totale d’accès sans un équipement de protection individuel (EPI) si le système de surveillance installé dans la zone détecte plus de 1 ppm en H2S et un accès déconseillé si de l’H2S est détecté. Le Haut Conseil souligne la pertinence d’une gestion préventive sur le littoral manchois et atlantique, en Bretagne, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, et Pays de la Loire.

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