Autre hérésie, « à Paris, dégaine encore Michel Thibaudon, dans certaines allées, on trouver des graminées sur cinq cents mètres et, de l’autre côté, des pots d’échappement ». Un cocktail explosif pour les muqueuses, le tandem polluants chimiques-pollens étant particulièrement virulent en ville. Dans son rapport, l’ANSES indique que certains polluants chimiques peuvent influer sur les pollinoses. Les polluants atmosphériques tendent en effet à accentuer l’irritation des muqueuses nasales ou oculaires et à abaisser le seuil de réactivité allergique. « L’ozone, par exemple, altère les muqueuses respiratoires et augmente leur perméabilité. Ce qui engendre une réaction allergique à des concentrations de pollen plus faible », explique Valérie Pernelet-Joly, Responsable à l’ANSES de l’unité d’évaluation des risques liés à l’air, qui a mené à cette expertise.
L’ANSES constate également que les polluants atmosphériques peuvent aussi agir sur les grains de pollens et démultiplier le potentiel allergisant. En effet, la pollution atmosphérique aggrave la toxicité des grains de pollen en fragilisant leur surface et en permettant plus facilement la sortie des allergènes. D’autre part, les pollens libérés dans l’air ont la capacité de se fixer sur les fines particules de diesel, notamment les jours de forte pollution. Ces particules fines transportent les grains de pollens les plus petits et favorisent leur pénétration dans les voies bronchiques les plus profondes, provoquant alors des crises d’asthme.
Autre facteur, difficilement maîtrisable au niveau local mais susceptible d’accroître la production de pollens : le changement climatique. La date de début de pollinisation de nombreuses espèces végétales tend à devenir plus précoce, aves pour conséquence un allongement de la durée de pollinisation en moyenne d’une quinzaine de jours. Sans compter que l’élévation des températures pourrait rendre le pollen plus allergisant. Des études ont ainsi montré que la quantité d’allgènes dans le pollen de bouleau augmentait avec la température.
Néanmoins, les acteurs le reconnaissent – grâce au Grenelle de l’environnement et au deuxième plan de santé environnement – les choses bougent petit à petit. Les municipalités se montrent de plus en plus sensibles aux bienfaits du végétal. « Un frémissement se fait sentir », concède Michel Thibaudon qui regrette cependant que les chartes de l’Arbre qui croissent un peu partout dans l’Hexagone ne prennent guère en compte les problèmes de santé publique.
La biodiversité, dès lors qu’elle n’est pas érigée en dogme, a des vertus. A bordeaux, par exemple, Christophe Dangles, responsable de la gestion de l’Arbre urbain, explique qu’il joue sur les deux tableaux. L’ensemble du parc comprend 46 000 arbres.
Depuis dix ans, près de 14 000 arbres ont été plantés. « Notre politique consiste à arrêter la plantation des espèces les plus allergisantes, explique-t-il. Néanmoins, en mélangeant les espèces, on a davantage de chance d’éviter les allergies ». Priorité est donnée aux espèces indigènes mais – contrairement à d’autres municipalités, et c’est là aussi toute la différence – on n’en fait pas une religion. « Mélias, magnolias, zelcovas… on n’hésite pas, à partir de données scientifiques, à planter également des espèces exotiques », précise encore M. Danglas. Difficile de savoir ce qu’il en est exactement à Paris – l’opacité, on l’a vu, règne sur le sujet – mais d’autres villes, comme Toulouse, Lyon, Nantes, semblent être sur la même longueur d’onde.
Ecrit par le Dr Isabelle Bossé.