L’érythème pigmenté fixe (EPF) est une lésion dermatologique caractérisée par des placards arrondis érythémateux et œdémateux de 1 à quelques centimètres de diamètre, parfois violacés ou bruns évoluant par poussées et récidivant au même endroit. Des formes vésiculeuses ou bulleuses, plus rares, sont décrites. Les lésions sont habituellement indolores et non prurigineuses mais parfois elles sont associées à des brûlures. Toutes les régions du corps peuvent être concernées y compris les muqueuses génitales. Les lésions laissent place à une pigmentation résiduelle et séquellaire.
L’EPF est habituellement une toxidermie et il est l’expression d’un phénomène immunoallergique complexe. Les médicaments en cause sont nombreux, cyclines (pouvant donner une atteinte génitale isolée), antalgiques (atteinte du tronc et des membres sans atteinte muqueuse), anticonvulsivants (lésions généralisées), sulfamides (lésions des lèvres), barbituriques, antihistaminiques, inhibiteurs de la pompe à protons… La toxidermie survient environ 1 à 3 semaines après le début de la prise du médicament, en quelques jours en cas de récidive. L’EPF est un modèle d’hypersensibilité retardée médiée par les lymphocytes CD 8 cytotoxiques, et les patch-tests positifs pour l’allergène en cause vont dans ce sens. Les CD 8 intra-épidermiques ont un phénotype « effecteur mémoire » et sont en cause dans les lésions tissulaires et la récidive. Ils persistent jusqu’à 4 ans au site de la lésion. Les facteurs responsables de la persistance dans les sites lésionnels sont mal connus, cytokines (IL 15), molécules de homing, induction de molécules d’adhésion. Une forme histologique particulière est représentée par l’EPF neutrophilique sans infiltrat lymphocytaire mais avec spongiose et infiltrat riche en éosinophiles et neutrophiles (NFDE) (1).
Si les médicaments sont responsables de la majorité des EPF, quelques observations indiquent clairement le rôle d’aliments ou d’excipients. Le premier cas décrit date de 1962 avec comme aliment causal des chips au fromage (2). Puis en 1996 se sont les fraises qui sont impliquées et on propose le terme « fixed food eruption » (FFE) pour distinguer l’entité des EPF médicamenteux (3). Le répertoire des aliments s’est ensuite allongé avec responsabilité des asperges, de la noix de cajou, des lentilles, du lactose, de la réglisse, de l’arachide, des herbes chinoises, du colorant jaune de quinoléine et des boissons toniques. Pour ces dernières, 3 cas ont été rapportés avec comme allergène la quinine (4). Le diagnostic de FFE se fait par patch-tests avec les aliments in situ ou tests de provocation orale.
Il faut aussi en rapprocher une observation d’EPF bulleux d’origine professionnelle dû au contact avec des poissons et des crevettes. Ici les prick-tests et les patch-tests étaient positifs et la biopsie du patch retenait un NFDE.
Pour conclure cette liste non limitative il faut citer la toute récente observation de la revue française d’allergologie publiée par Tapsoba et al qui impliquent les graines de néverdier (Moringa oleifera) (Figure 1) (5). Ce végétal est utilisé en Afrique, Asie du Sud-est, Arabie, Caraïbes et Amérique du sud pour son huile extraite des graines et on en consomme aussi les feuilles, fleurs, écorce er racines en tant que complément alimentaire et phytomédicament.
Ainsi, si la très grande majorité des EPF est d’origine médicamenteuse, il faut penser aussi à la consommation d’aliments dans des aspects atypiques lorsque l’enquête à la recherche d’une imputabilité médicamenteuse reste infructueuse.
1-Valeyrie-Allanore L., et al. Erythème pigmenté fixe : épidémiologie, physiopathologie, clinique, diagnostic différentiel et modalités de prise en charge. Ann Dermatol Venereol 2015 ;142 :701-6.
2-Hatzis J., et al. Fixed drug eruption in a mother and her son. Cutis 1992 ;50 :50-2.
3-Kelso JM. Fixed food eruption. J Am Acad Dermatol 1996 ;35 :638-9.
4-Bel P.,et al. Fixed eruption due to quinine contained in tonic water : positive patch-testing. Contact Dermatitis 2009 ;61 :242-4.
5-Tapsoba GPML., et al. Erythème pigmenté fixe dû aux graines de Moringa oleifera. Rev Fr Allergol (sous presse).
Légende de la figure :
Figure 1 : Macule érythémateuse sur cicatrice d’EPF. Tapsoba et al (5).