La maladie du nouveau coronavirus, la COVID-19 (Coronavirus Disease-19) due au virus SRAS-CoV-2, impose des changements dans notre vie quotidienne, nos modes de vie, y compris dans nos environnements qu’ils soient domestiques, professionnels, dans les transports ou dans nos activités de loisirs.
Il est désormais nécessaire de développer des stratégies de prévention et de précaution qui visent à maitriser la diffusion du virus SRAS-CoV-2, en adoptant ou réapprenant des règles d’hygiène renforcées, mais aussi des comportements individuels et collectifs, afin de réduire le risque de contamination aéroportée ou manuportée.
Ces nouvelles mesures préventives, qui évoluent au fil des connaissances scientifiques, distanciation sociale et gestes barrières, auront également des impacts sur la qualité de l’air intérieur, et peuvent parfois être en contradiction avec certains acquis, informations ou technologies, voire recommandations, qui récemment encore permettaient de veiller à une meilleure qualité de l’air intérieur.
Ce qui apparait aujourd’hui presque une certitude, c’est que l’ensemble de ces mesures vont perdurer tant que le virus SRAS-CoV-2 circulera dans la population, laissant une nouvelle empreinte sanitaire, mais aussi environnementale, dans notre quotidien.
Nous vous présentons ci-dessous quelques rappels des modes de contamination du virus, et règles simples de prévention, pour limiter la diffusion du virus et vous protéger au quotidien dans vos environnements intérieurs. Ces mesures sont aussi utiles pour lutter contre toutes les infections virales qui ont les mêmes modes de transmission que le virus SRAS-CoV-2 (virus de la grippe, virus respiratoire syncytial de la bronchiolite, virus responsables de rhumes…).
Plus que jamais, il est nécessaire que vous soyez acteurs de votre protection sanitaire et de celle de vos proches, dans ce temps de déconfinement progressif (3 phases : phase 1 à partir du 11 mai, phase 2 à partir du 2 juin et phase 3 à partir du 22 juin), l’inconnue majeure concerne le statut immunitaire des personnes que vous côtoyez, et qui doivent être envisagées aussi bien comme non porteuses, porteuses saines, ou contaminées, en l’absence de tests sérologiques systématiques de la population.
1. Rappel des modes de contamination
Les modalités principales de transmission du virus SARS-CoV-2 sont les suivantes :
2. Mesures d’hygiène principales et gestes barrières à adopter au quotidien et dans tous les environnements
Distanciation sociale
Il s’agit avant tout de respecter rigoureusement la distanciation sociale ou physique, que ce soit dans le confinement ou le déconfinement, qui doit permettre à tout individu d’être à une distance d’un mètre minimum de toute autre personne, qui ne fait pas partie de son foyer.
Limiter le nombre de personnes dans les espaces collectifs, notamment dans les espaces clos, est le corollaire de cette distanciation physique.
Hygiène des mains
Lavez-vous les mains fréquemment avec du savon liquide et de l’eau en insistant entre les doigts, autour des ongles et sur le poignet, au moins 30 secondes sous l’eau de préférence un peu chaude que froide, en les séchant avec une serviette à usage unique. Cela reste le moyen le plus efficace de lutter contre le virus. Le savon a un effet tensio-actif qui dissout l’enveloppe lipidique du virus et permet de l’inactiver ; ainsi un temps de contact suffisant avec le savon est nécessaire.
Gestes barrières
Port du masque
Le port du masque est rendu obligatoire dans certains espaces clos (hôpitaux, transports, médecins) ;
Il faut cependant veiller à bien utiliser les masques et respecter les consignes d’usage, mais aussi d’élimination :
3. Stratégie de réduction du risque de transmission du SRAS-CoV-2 et qualité de l’air intérieur
Le renouvellement de l’air du logement, du bureau, de la salle de classe ou des salles de sport est primordial, pour réduire le risque de diffusion du SRAS-CoV-2.. Le renouvellement d’air permet, par l’apport d’air neuf, de diluer les particules virales, et de les extraire par l’ouverture des fenêtres ou le système de ventilation.
Cette mesure incontournable permet également de réduire la concentration de polluants dans le logement, de réduire l’humidité et l’excès de chaleur qui favorisent la prolifération des micro-organismes et la production d’allergènes intérieurs (acariens, moisissures, allergènes). De plus, en période froide, un air plus sec est plus facile à réchauffer qu’un air humide.
Aérer, par balayage, c’est-à-dire ouvrir les fenêtres en grand en même temps (et les portes, en les calant…), permet de renouveler l’air de toutes les pièces en quelques minutes, sans refroidir les murs en hiver et en rafraichissant les pièces en été. Ce renouvellement d’air est ponctuel, mais répété plusieurs fois par jour. Lors de vagues de chaleur, il est important d’aérer par ouverture des fenêtres lorsque l’air extérieur est plus frais que l’air intérieur (aération nocturne).
=> Dès lors qu’une personne est infectée à domicile, elle doit être isolée le plus possible dans une pièce, sa chambre doit être aérée régulièrement (minimum deux fois par jour), mais porte fermée, et en calfeutrant au mieux le bas de la porte afin d’isoler au maximum la pièce du malade du reste du logement.
Ventiler
Pour renouveler l’air du logement de manière continue, et diminuer la charge virale, en complément d’une bonne aération, et assurer une bonne circulation de l’air, tout au long de la journée.
Les ventilations double-flux nécessitent des précautions supplémentaires. La VMC double-flux nécessite un entretien soigneux de l’échangeur thermique situé entre l’air repris et l’air extérieur, un changement régulier des filtres particulaires et moléculaires sur l’air extérieur et l’air repris des locaux, et un entretien des conduits d’air (dépoussiérage). L’inactivation de ces dispositifs, si la filtration n’est pas suffisante ou inconnue et si l’entretien n’est pas réalisé, reste la solution de précaution Il est cependant difficile d’arrêter le fonctionnement d’une VMC double-flux ; son redémarrage posera un problème avec la remise en suspension des poussières déposées sur les conduits. Pour remplacer le fonctionnement d’une VMC, l’aération doit être beaucoup plus fréquente et adaptée aux activités dans les locaux.
Climatiser
La climatisation individuelle (climatiseur mobile, fixé sur un mur ou placé dans un plénum avec plafond suspendu) et la climatisation collective avec centrale de traitement et conduits aérauliques avec bouches de diffusion et d’extraction d’air, permettent de rafraîchir les locaux, notamment en période de canicule. Il en est de même pour les ventilateurs et les brumisateurs, associés ou non.
Les climatiseurs individuels et les ventilateurs créent, en brassant l’air de la pièce pour la rafraîchir, des mouvements d’air qui dispersent et homogénéisent les particules virales en suspension dans l’air. Elles sont rejetées à l’extérieur par l’ouverture des fenêtres et l’extraction de la VMC. Toutefois, lorsque le flux d’air est dirigé vers le visage (ce qu’il faut éviter), il peut transporter à plus grande distance les gouttelettes oropharyngées émises par la respiration, la parole la toux ou les éternuements et contaminer une personne à proximité. Quant aux rampes de brumisation situées en hauteur au-dessus des personnes, les fines gouttelettes d’eau dispersées, n’entrent pas en contact des gouttelettes oropharyngées et ne posent aucun risque de transmission virale.
De plus, après une longue période d’interruption, la remise en marche sans changement des filtres va diffuser dans l’air intérieur de fortes doses de bio contaminants (moisissures, pollens, etc.) ;
4. Adopter des mesures d’hygiène renforcées tout en limitant la diffusion de polluants dans l’air intérieur
Une publication récente (Gilles S. et al. Pollen (2020) Exposure weakens innate defense against respiratory viruses Allergy 75 : 576-587) montre que l’exposition pollinique facilite la multiplication des virus respiratoires, aussi bien chez les allergiques que les non-allergiques. Les allergènes domestiques sont potentialisés par des polluants gazeux, comme les composés organiques volatils et le dioxyde d’azote, ce qui peut aggraver les pathologies respiratoires, et notamment les allergies respiratoires.
La poussière de maison renferme à la fois des composés organiques semi-volatils (phtalates, pesticides, retardateurs de flamme, PCB, hydrocarbures aromatiques polycycliques…) associés à des allergènes (acariens, moisissures, pollen…).
Il est donc nécessaire d’avoir une hygiène renforcée face au virus SRAS-CoV-2. L’hygiène des locaux concerne aussi bien la poussière domestique déposée sur les surfaces que les gouttelettes orophrayngées potentiellement contaminées par le virus et déposées sur les surfaces, celles qui risquent de contaminer les mains (c’est à dire dans l’environnement immédiat des personnes).
Les recommandations sont de nettoyer le plus souvent possible les surfaces ayant été en contact avec les objets, les mains, mais aussi l’ensemble des surfaces du logement, y compris, les sols, les meubles
Cependant, le recours à une multiplicité de produits désinfectants qui ne sont pas nécessaires ni pour l’entretien classique d’une maison, ni pour le coronavirus qui est un virus fragile, qui s’inactive spontanément au bout de quelques heures sur les surfaces, est un réflexe sanitaire en période de pandémie. Il entraîne du même coup une multiplication significative des sources d’émissions chimiques, elles-mêmes délétères pour la santé (irritants cutanés, oculaires et du système respiratoire, ou allergisants), quand ce n’est pas des substances CMR ou perturbateurs endocriniens. Ces substances ont aussi un impact environnemental, notamment sur la vie aquatique, non négligeable. Les polluants chimiques sont des irritants bronchiques et des facteurs aggravants des pathologies respiratoires, or le COVID 19 s’attaque au système respiratoire.
Il est ainsi nécessaire de souligner l’importance du ménage tout en traitant le problème à la source, en réduisant la consommation de produits émissifs, très bon moyen pour assurer un air intérieur sain, tout en réduisant le risque viral.
Les biocides
Les biocides, outre les produits pour lutter contre les virus, comprennent également les insecticides pour lutter contre les parasites tels que acariens, moustiques, mites, pour traiter le bois (termites, larves) et fongicides (anti moisissures)), entretenir les plantes d’intérieur, traiter les animaux (antipuces, tiques, anti-odeurs) ou encore destinés à l’hygiène humaine (anti-poux, ou conservateurs de tout cosmétique), incorporés dans les produits désinfectants, les biocides sont présents dans vos environnements intérieurs. Composés souvent semi-volatils, ils se combinent également aux pesticides de l’air extérieur, sont très persistants et rémanents, et constituent des risques pour la santé.
Soyez prudents lors de leur utilisation, qui doit rester exceptionnelle à l’intérieur ;
Tabac
Le tabagisme actif ou passif expose les fumeurs et les non-fumeurs à plus de 4000 substances toxiques et irritantes pour les voies respiratoires.
Rappelons que les fumeurs sont beaucoup plus vulnérables au COVID 19 ! La cigarette est un facteur aggravant dans toutes les pathologies respiratoires, mais aussi les maladies cardio-vasculaires et l’ostéoporose. Le rapport bénéfice / risque est sans appel, et ce malgré des hypothèses de travail sur le rôle protecteur de la nicotine.
5. Désinfecter et assainir l’air intérieur par des substances chimiques ou naturelles : une fausse bonne idée !
L’utilisation de substances aux vertus désinfectantes de l’air, dont aucune n’a montré à ce jour une efficacité sur le COVID-19, huiles essentielles, papier d’Arménie, encens, ou même parfums et bougies d’ambiance, d’aérosols désinfectants et de produits odorants pour lutter contre le virus et purifier l’air est une mauvaise idée. Vous diffusez dans votre air intérieur des molécules chimiques appelées composés organiques volatils (COV), des particules ultrafines, des suies, qui combinées à d’autres substances chimiques (celles, par exemple, dégagées lors des phases de combustion, par le chauffage ou la cuisine) peuvent se révéler nocives pour votre santé et transformer votre logement en petite usine chimique.
L’utilisation de purificateurs d’air est également sujette à caution, notamment face au COVID 19. Les tests en laboratoire montrent l’efficacité de la filtration particulaire (pour les virus de 0,1 µm) et de la filtration moléculaire (à des degrés différents pour les substances volatiles). Mais, en situation réaliste dans une pièce, c’est plus l’aéraulique de l’appareil qui détermine le traitement de tout le volume de la pièce que la technologie en elle-même.
Les tests en laboratoire ne montrent que des résultats partiels pour les virus et composés chimiques, et le risqueprovient de la production aires par certains appareils de polluants secondaires comme le formaldéhyde (technologie de la photo catalyse) ou l’ozone (technologie d’un champ électrique puissant, comme l’ionisation ou le plasma froid).. Leur innocuité reste à prouver, surtout s’ils ne sont pas ou mal entretenus.
Enfin, il faut nuancer les messages que vous trouvez sur internet faisant la promotion des plantes dépolluant l’air intérieur. Sur le principe, cette idée séduisante n’est pas totalement dépourvue d’arguments scientifiques. Si en effet, dans des conditions de laboratoire, certaines plantes ont montré leur capacité à éliminer des polluants gazeux présents en air intérieur, au sein du logement en revanche, il ne faudra pas ou peu compter sur leur pouvoir dépolluant.
Nous rappelons que dans le cas de certaines pathologies respiratoires graves, et le COVID 19 en est une, ou lors d’un déficit d’immunité, les plantes d’intérieur sont à éviter absolument !
En outre, des mesures effectuées par des analyses mycologiques hospitalières, menées dans des environnements domestiques de patients souffrant de maladies respiratoires, ont montré une contamination fongique plus ou moins importante de l’air intérieur, fonction du nombre de plantes ou du type de plantes installées dans le logement. Cette diffusion continue de différentes espèces de moisissures dans votre air intérieur est un accélérateur de certaines pathologies respiratoires, surtout dans les environnements confinés, et avec des plantes anciennes, dont la terre n’a jamais ou peu été renouvelée. Ces moisissures produisent également des composés organiques volatils (mCOV) qui ont des effets irritants, allergisants, voire toxiques. De plus, certaines plantes sont elles-mêmes allergisantes (ficus, staphysagria), et peuvent déclencher des crises d’allergie ou d’asthme pour les personnes sujettes aux allergies…
Ne transformez donc pas votre logement en jardin des plantes !
Soyez acteur quotidiennement pour limiter votre propre exposition au COVID 19 et celle des autres
et respirer un air sain chez vous !
Anne Cluzeau-Herberich, CEI, Environnement du patient, CHU de Grenoble. Pour toute question, joignable par mail : acluzeau@chu-grenoble.fr
Relecture par le Docteur Fabien Squinazi, membre du Haut Conseil de la santé publique, Président du Collège interdisciplinaire SEIQA
Sources : Avis du Haut Conseil de la Santé Publique, études et documents de l’OQAI, Réseau de Surveillance de la qualité de l’Air, ASPA, articles scientifiques et expériences au domicile des patients.