Les conditions climatiques sont depuis longtemps soupçonnées de jouer un rôle dans les manifestations allergiques. Cependant, la plupart des données dont nous disposons à ce propos portent essentiellement sur les effets des variations à court terme des conditions météorologiques. Par exemple, il est aujourd’hui bien démontré que les orages, la chute des températures ou de l’humidité relative sont associés à une fréquence accrue de manifestations allergiques respiratoires.
En revanche, on connaît mal l’effet du climat, c’est-à-dire des conditions atmosphériques au long terme, sur les maladies allergiques. Il est vrai que la réalisation de telles études est complexe. Le climat exerce son influence sur l’ensemble d’une population, d’un territoire donné. Son impact ne peut donc être exploré qu’au moyen d’études comparant les populations de régions différentes soumises à des climats également différents.
Dans le monde entier, des études de prévalence ont été menées au niveau national, mais le plus souvent, les données collectées ne sont pas comparables d’un pays à l’autre en raison de l’absence de méthodes normalisées. Quelques études ont comparé les effets du climat de différentes régions d’un même pays, cependant, leurs effectifs restaient relativement restreints et les différences climatiques en jeu, assez minimes, ce qui rendait les conclusions définitives difficiles.
Or, la question de l’impact du climat sur les maladies allergiques pose avec d’autant plus d’acuité que la réalité du changement climatique est de moins en moins contestée. Causé pour partie par l’accroissement des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (C02) et d’autres gaz à effet de serre, il devrait se traduire par une augmentation des températures, par une modification des quantités, de la distribution et de l’intensité des précipitations, et par une augmentation de l’intensité et de la fréquence des événements météorologiques extrêmes. Ces changements climatiques, tout comme l’augmentation des concentrations atmosphériques de C02 par elle-même, peuvent avoir un impact sur la production, la distribution, la dispersion et le contenu allergénique des allergènes, ainsi que sur la croissance et la distribution géographique des organismes qui en sont à l’origine. Cette évolution devrait modifier exposition allergénique des populations et pourrait entraîner un accroissement de la prévalence et de la sévérité des maladies allergiques.
Plusieurs études ont été faites pour étudier ce problème.
Parler du climat revient donc à s’intéresser aux conditions atmosphériques à long terme. La météorologie, en revanche, a pour objet l’étude de ces phénomènes atmosphériques sur une échelle de temps de quelques jours.
Conditions météorologiques et aéroallergènes :
Les orages et tempêtes sont d’excellents révélateurs des relations qui peuvent exister entre conditions météorologiques et maladies allergiques. L’augmentation de la fréquence des crises d’asthme durant les orages est bien connue.
Les vents d’orage et les fortes précipitations s’associent pour fragmenter et libérer des particules allergéniques de petites tailles qui vont pouvoir s’introduire dans les voies aériennes inférieures. Ainsi, les orages ont été associés à une augmentation concomitante des concentrations atmosphériques de Cladosporium et de spores d’Alternaria brisées et à un nombre accru d’admissions à l’hôpital pour manifestations allergiques respiratoires. Les pics de polluants atmosphériques favorisent des admissions à l’hôpital. La présence de moisissures dans l’atmosphère débute lors du mois de mai et s’arrête vers la fin septembre.
Des inondations ont pu entraîner une prolifération des moisissures, notamment dans les habitations.
Climat, aéroallergènes et maladie allergique: données épidémiologiques:
D’une façon générale, la production d’aéroallergènes dépend des facteurs climatiques et notamment de paramètres météorologiques (température, humidité, rayonnement solaire…) et géographiques (latitude, altitude).
Conditions météorologiques et allergies cutanées:
L’urticaire chronique concerne environ 20 % de la population à une période ou une autre de la vie, et de 20 et 30 % d’entre eux sont atteint d’une urticaire physique. Cette dernière est induite par une grande variété de stimuli environnementaux comme les changements de température, le froid, la chaleur, les rayons du soleil ou l’eau.
Les basses températures augmentent l’irritabilité cutanée, les faibles taux d’humidité augmentent la rugosité de la peau et les UV soulagent très efficacement les symptômes des patients atteints d’eczéma. Le contact avec les animaux et les pollens, le régime alimentaire, les activités comme la natation dans l’eau chlorée des piscines ou l’exposition au soleil sont soumis à des variations saisonnières.
Climat et expression symptomatique des allergies cutanées :
La prévalence de l’eczéma augmente avec la latitude alors qu’elle diminue quand la température extérieure moyenne s’élève. Un séjour de trois à quatre semaines en haute montagne se traduit par une amélioration de la symptomatologie des allergies cutanées.
Le changement climatique provoqué par l’augmentation des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2) et autres gaz à effet de serre devrait entraîner une variation des températures et des modifications de la pluviométrie associées à une augmentation de l’intensité et de la fréquence des épisodes climatiques extrêmes. Ces changements météorologiques, tout comme les modifications des concentrations atmosphériques en CO2, auront un impact sur la production, la distribution, la dispersion du contenu allergénique des aéroallergènes et sur la croissance et la distribution des plantes herbacées, arbres et moisissures qui en sont à l’origine. Les polluants comme l’Ozone seront également affectés par le réchauffement climatique.
Le climat a un effet double :
Les risques de sensibilisation et d’exacerbation de la maladie allergique sont accrus en cas d’augmentation des concentrations atmosphériques de pollens. L’exposition à des concentrations plus élevées d’aéroallergènes peut en outre se traduire par des réponses allergiques plus sévères.
La réponse est variable selon les individus.
Les zones maritimes sont moins soumises aux aéroallergènes en raison d’une moindre densité de forêt et, surtout, de la fréquence des périodes de vents d’ouest totalement dépourvus de pollens et de moisissures puisqu’ils proviennent de l’océan Atlantique qui est une zone non productrice.
La montagne est également réputée pour être bénéfique pour les allergiques en raison d’une période pollinique réduite à 2-3 mois au lieu de 6 mois en plaine. Les moisissures sont quant à elles très réduites en altitude et les arbres sont absents au-delà de 2 500 mètres. Des transferts de pollens d’arbres ou de graminées venus des plaines peuvent cependant gêner certains allergiques.
Les dates de début et de fin de la saison pollinique changent avec l’évolution du climat.
Chaque décennie, la saison pollinique a été plus précoce avec 5 jours en moyenne pour de nombreuses espèces de plantes herbacées et de 3 jours pour de nombreuses espèces d’arbres. L’ambroisie fleurit plus tôt en milieu urbain où la température et les concentrations atmosphériques en C02 sont plus élevées qu’en milieu rural.
Les pollinoses paraissent affecter des enfants de plus en plus jeunes, avant l’âge de 5/6 ans. On peut se demander si cette observation est en rapport avec le réchauffement climatique.
Les patients asthmatiques, sont de véritables baromètres et ils « prédisent» avec quelques jours d’avance les périodes d’humidité, ou d’orage par une aggravation de leurs symptômes.
Les évolutions vont globalement dans le sens d’une augmentation du nombre de jours à risque. Il faut toutefois noter que si la date de démarrage a été de plus en plus précoce jusque dans les années 2003-2004, elle a été de plus en plus stabilisée.
Les évolutions de la végétation sont en effet des marqueurs très sensibles des changements climatiques avec un délai de réponse d’ordre du siècle, voire de la décennie dans les zones de transition. Certaines oléacées progressent vers le Nord. Une variété de frêne se développe à présent très bien dans les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine. Ces évolutions s’accompagneront de modifications de la distribution géographique des aéroallergènes et avec elles, de l’exposition à ces allergènes. Il a été montré que l’introduction de nouveaux pollens dans une région peut conduire à une augmentation de la maladie allergique dans la population qui y est exposée, y compris chez des personnes qui, initialement, ne présentaient pas d’allergie.
Même en l’absence d’augmentation des quantités de pollens, les maladies allergiques pourraient progresser en raison de l’accroissement du contenu en protéines allergéniques des pollens.
Ozone : Des températures élevées et une forte insolation favorisent la production d’ozone et le niveau de ce polluant atteint son maximum durant l’été. En raison de l’effet « îlot de chaleur urbain » qui peut se traduire par une température supérieure de 5°C par rapport aux zones rurales, les villes sont propices à la formation d’ozone.
Oxydes d’azote : Les oxydes d’azote (NOx) sont issus de la réaction de l’azote et de l’oxygène à haute température, le plus souvent lors de la combustion des produits pétroliers. L’exposition aux NOx, entraîne des altérations chroniques et aiguës de la fonction pulmonaire avec, en particulier, une augmentation de la synthèse de cytokines pro inflammatoires et une réponse accrue aux allergènes respiratoires.
Les microparticules (MP), les particules émises par le diesel : De nombreuses études ont montré que l’exposition aux MP entraîne une aggravation les allergies respiratoires et une altération de la fonction pulmonaire. Enfin, l’exposition aux particules émises par le diesel (PED) provoque une inflammation des voies respiratoires.
Le réchauffement climatique affectera de nombreux facteurs qui ont un impact important sur les maladies allergiques comme la distribution, la quantité et la qualité des aéroallergènes, ainsi que la pollution de l’air. Une augmentation de l’exposition des populations aux allergènes et aux polluants atmosphériques, connus pour agir en synergie avec les premiers, pourrait entraîner une augmentation des problèmes allergiques dans le futur. Les interrelations entre ces différents facteurs, le climat et le risque allergique restent cependant peu claires et les données actuelles n’apportent pas de réponses définitives.
D’après des publications du Mr Besancenot (Climat et Santé)
Du Dr Yann Dubreuil, RNSA
Du Pr Chantal Raherison, CHU Bordeaux
Mr Michel Thibaudon, RNSA
Publication de la collection « Allergies » 2011