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Allergies et apprentis

publié le 03/03/2015 | par arcaa
  • Si un problème de santé, même léger survient au travail, il convient de ne pas retarder le diagnostic, en référant à temps aux spécialistes. Le diagnostic précoce d’une allergie améliore en effet son pronostic et diminue son coût.
  • La communication entre les différents partenaires de l’apprenti est importante. Le suivi médical prendra toute sa valeur s’il est appuyé par les intervenants en complémentarité de compétence (apprentis, parents, service de santé et d’orientation professionnelle, maîtres d’apprentissage, employeurs).
  • Il faut donner sa chance à l’apprenti atopique ou allergique. Cela est possible si l’on a connaissance du risque individuel et que l’on assure un suivi adéquat à cet apprenti tout en veillant à la bonne application des mesures de protection qui limitent l’exposition aux allergènes professionnels.

Les médecins de premier recours et les internistes sont appelés régulièrement à effectuer des examens de préapprentissage et examinent souvent de futurs apprentis.

Quels conseils donner à un jeune souffrant d’allergie cutanée ou respiratoire s’il veut être boulanger ?
Question typique pour ce métier, mais transposable à d’autres.

Choisir sa voie de formation n’est pas aisé : Le choix d’un apprentissage est une tâche d’autant plus difficile parce que l’offre en est aujourd’hui réduite ; en effet, le chômage frappe environ deux fois plus les jeunes que les adultes. Et tout se complique encore si le jeune ou le futur apprenti a, de surcroît, un problème de santé, en particulier s’il souffre d’allergie ou d’atopie personnelle ou familiale.

A la consultation d’allergologie, il n’est pas rare de voir des jeunes en cours, voire en fin d’apprentissage, présenter une allergie « avancée » et qui n’aura pas été repérée à temps, pouvant  ainsi compromettre l’exercice futur du métier nouvelleALL-1403-allergies  j'agisment appris.

Cette situation a été discutée dans un groupe de travail formé de spécialistes concernés par les allergies, de médecin scolaire et d’adolescents, de médecins du travail. De la confrontation de leurs observations est née cette réflexion, qui vise à sensibiliser les médecins au repérage précoce des allergies chez les jeunes avant ou lors de leur apprentissage : tel est l’objectif voulu. Il s’agit d’offrir une aide au médecin pour conseiller adéquatement les jeunes allergiques ou atopiques dans leur choix professionnel selon leur état de santé.

 

Différentes situations cliniques sont analysées du point de vue de l’allergologue et de celui du médecin du travail. Ces deux regards complémentaires ont permis la rédaction de ces conseils, qui tiennent compte aussi du contexte socio-économique actuel. En fin de scolarité, deux étapes sont décisives pour qui se destine à un apprentissage :

– Le choix d’un métier

– L’entrée dans le monde du travail

A ces deux moments, les questions relatives à la santé doivent être abordées attentivement par le médecin et ce d’autant plus que les adolescents ne consultent pas volontiers.

Lors d’une consultation d’un jeune pré-apprenti, le médecin poursuivra les objectifs  suivants :

Avant l’apprentissage (fin de scolarité obligatoire ou préapprentissage)

  1. Repérer les futurs apprentis qui présentent soit une allergie actuelle ou antérieure, soit un terrain atopique personnel ou familial.
  2. Connaître les métiers susceptibles d’occasionner des allergies professionnelles.
  3. Utiliser un guide pour l’examen de préapprentissage tel qu’il existe là ou est maintenu  cet examen obligatoire
  4. Bâtir une relation de confiance avec le pré-apprenti.
  5. Estimer les facteurs de risque individuels du futur apprenti allergique. En cas de situation difficile à apprécier, demander conseil auprès d’un médecin du travail.
  6. Inciter le jeune, en discutant avec lui de son choix d’apprentissage, à consulter rapidement en cas d’apparition de problèmes de santé à la place de travail.

Lors d’une consultation d’un apprenti, le médecin poursuivra les objectifs :

En cours d’apprentissage

  1. Evaluer en continu les facteurs de risque individuels.
  2. Assurer le suivi de l’apprenti en le protégeant au mieux dans sa santé et son travail afin de le maintenir à son poste selon sa motivation.
  3. Référer sans délai aux spécialistes (allergologues, pneumologues, dermatologues, spécialistes ORL et médecins du travail) pour ne pas déconseiller ni réorienter sans de solides raisons. Le coût direct causé par une allergie peut tripler si celle-ci n’a pas été référée à temps au spécialiste.
  4. Connaître les dispositions légales en vigueur.
  5. Etablir la liste des partenaires de l’apprenti allergique pour se tenir prêt à prendre contact avec eux si nécessaire.

En plus des questions spécifiques aux allergies, le médecin sera également attentif aux autres risques professionnels – chimiques, physiques, psychosociaux, etc. – auxquels l’apprenti pourrait être exposé.

Le choix de l’apprentissage : Choisir un apprentissage est déjà ardu même sans problème de santé !

Le jeune doit être motivé et sa décision, personnelle, est souvent influencée par l’entourage et par la conjoncture du moment. En outre, on est le plus souvent dans l’urgence, et comme les parents poussent à signer le contrat au plus vite, la visite chez le médecin est omise, ou remise à plus tard – c’est-à-dire trop tard.

Les jeunes qui n’ont pas trouvé à temps de place d’apprentissage risquent ainsi d’être au chômage et s’en trouvent découragés. Cette situation n’est pas exceptionnelle car l’offre en postes d’apprentissage reste inférieure à la demande ou en tout cas ne correspond pas aux aspirations : on manquera par exemple de places dans le domaine de l’informatique alors qu’il y aura pléthore d’offres dans des métiers plus manuels. On constate aussi que les exigences de la formation ont tendance à augmenter et que le choix se porte sur les meilleurs élèves. Les jeunes ayant rencontré des difficultés scolaires auront donc plus de peine à trouver une place d’apprentissage adaptée à leurs capacités et à leurs aspirations.

 

Approche épidémiologique des apprentis 

Actuellement environ 30 % de la population présentent une atopie et 20 % souffre d’allergie.

On peut estimer que chaque année, ce sont quelque 25000 jeunes atopiques et 15000 jeunes allergiques qui commencent un apprentissage. Ces chiffres révèlent qu’on ne peut pas  écarter d’emblée un apprenti atopique ou allergique du marché du travail : une telle discrimination, inacceptable dans son principe et fausse dans sa généralisation, déstabiliserait en outre le « marché de l’apprentissage ». A ce jour, on ne connaît pas le nombre d’apprentis souffrant d’une allergie liée à leur poste de travail. Les causes de rupture d’apprentissage sont subjectives, mal connues et mal documentées.

Les raisons principales :

  • Carence en études épidémiologiques (longitudinales, prospectives) ciblées sur les apprentis
  • Situation temporaire de l’apprenti, qui le plus souvent quitte son employeur à l’issue de sa formation, et parfois change de métier
  • Changements spontanés de place d’apprentissage (toujours dans la même filière)
  • Absence de déclaration ou déclaration lacunaire des cas aux assurances (« sous-déclaration »)
  • Statistiques des maladies professionnelles présentées sans distribution d’âge
  • Absence de suivi régulier par un médecin du travail commis à cet effet et dispersion des données dans les dossiers des médecins traitants

Malgré ce manque de données épidémiologiques, les cas observés lors d’une consultation d’allergologie manifestent l’importance du problème et incitent à une stratégie de prévention beaucoup plus active.

A noter que, dans la littérature internationale, les études prospectives sur les apprentis sont peu nombreuses. Cet « effet du travailleur sain », bien connu dans les études épidémiologiques, résulte du fait qu’une personne malade à moins de chance qu’une personne saine d’être engagée ou de rester engagée.

Dans les études épidémiologiques transversales – qui comparent deux populations à un moment donné – cette sélection entraînera ce paradoxe : le collectif de travailleurs apparaîtra plus sain que la population générale

 

Epidémiologie des maladies allergiques

Depuis les années 1960, on constate dans de nombreux pays occidentaux une augmentation de la fréquence d’asthme bronchique, de rhinite saisonnière et de dermatite atopique. Des études répétées, basées sur une approche méthodologique identique, ont montré avec constance une élévation de la fréquence des affections parmi les enfants et les adultes. Il semble cependant que la fréquence de l’asthme et d’autres allergies se soit stabilisée depuis une dizaine d’années.

Les eczémas qui viennent largement en tête, mais sans distinction entre les causes toxi-irritatives – les plus fréquentes – et les causes allergiques.

Toutefois, ces chiffres doivent être interprétés avec prudence, puisque ces maladies sont en général sous-déclarées, en particulier les rhinites qui passent souvent inaperçues. Chez l’adulte, on estime que 10 % environ des asthmes sont d’origine professionnelle.

 

Métiers pouvant causer une allergie

De nombreux secteurs professionnels sont concernés par une exposition avec risque d’allergie ; et ceci est vrai pour l’apprenti comme pour le travailleur adulte. Comme les différents métiers impliqués ont des caractéristiques très variables selon le type d’entreprise, il n’est pas souhaitable de dresser dans l’abstrait une liste des professions à interdire aux apprentis allergiques

  • Peau  et Respiration : Coiffure Colorants, persulfates, Ni   +++ +
  • Alimentation, restauration : Farine, produits de la mer, œufs, latex   +++ +++
  • Santé et soins : Désinfectants, latex, médicaments, acrylates   +++ ++
  • Construction, travaux publics : Ciment, résines, acrylates +++ +
  • Mécanique, métallurgie   Métaux, huiles de coupe, peintures     +++ ++
  • Bois Poussières, résines, vernis + ++
  • Chimie, animaleries :   Divers composés, rongeurs   + +++
  • Agriculture, contacts avec végétaux et animaux +++
  • Agents biologiques, protéines  végétales et animales, fleurs +++

Le conseil restant toujours adapté à l’individu, il faut schématiser le conseil proposé lors de l’examen à l’entrée en apprentissage  d’un jeune : Symptômes  allergiques  (Atopie personnelle et/ou familiale)
L’information et les conseils doivent venir avant l’apprentissage. On peut regretter l’absence de  la législation, de l’examen de préapprentissage obligatoire,

  • Un métier à risque potentiel peut être choisi si une information précise est donnée à l’apprenti à risque potentiel d’allergie sur les signes précurseurs qu’il signalera au médecin traitant ou au médecin du travail.
  • Malgré les inconnues liées au risque éventuel pris par l’apprenti allergique, il faut s’interdire d’être alarmiste avec des prédictions exagérées et des interdits non justifiés. Les conseils ont beaucoup évolué de 1984 à aujourd’hui. Alors qu’en 1984, on fermait la porte à tout apprenti atopique ou de famille d’atopique qui choisissait un métier à risque d’allergie, actuellement, on est plus ouvert en prenant en compte la motivation du jeune et le marché du travail. On préconise donc la prudence lors des examens d’aptitude et on favorise plutôt le repérage des situations cliniques individuelles, et la protection sur le lieu du travail.

Il convient de souligner l’importance du repérage précoce par le médecin traitant ou le médecin du travail.

  • L’application progressive des mesures de prévention  contribuera aussi à prévenir l’apparition d’allergies professionnelles. En limitant le niveau d’exposition à un allergène identifié sur la place de travail, on réduit le risque d’apparition de l’allergie.
  • De nouvelles technologies peuvent contribuer soit à éliminer des allergènes professionnels tels que les estérases des savons ou le latex, soit au contraire à en engendrer de nouveaux, tel celui du lupin dans les farines.
  • Il ne faut pas sous-estimer l’importance des mesures techniques de substitution qui permettent de diminuer l’exposition à un allergène.

Par exemple, certains développements industriels (cf. isocyanates) et de recherche visent à éliminer l’αα-amylase et le lupin dans la farine, ou le latex des objets.

• Dès qu’apparaît un problème allergique sur la place de travail, il faut envisager de faire rapidement bénéficier le patient des prestations prévues par les maladies professionnelles: prise en charge des frais médicaux sans participation de l’assuré et sans limite de temps, salaire couvert presque intégralement, appui financier pour la réorientation.

 

Dr Françoise Leprince

Allergologue Expert

Comité de rédaction ARCAA

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