Les médecins de premier recours et les internistes sont appelés régulièrement à effectuer des examens de préapprentissage et examinent souvent de futurs apprentis.
Quels conseils donner à un jeune souffrant d’allergie cutanée ou respiratoire s’il veut être boulanger ?
Question typique pour ce métier, mais transposable à d’autres.
Choisir sa voie de formation n’est pas aisé : Le choix d’un apprentissage est une tâche d’autant plus difficile parce que l’offre en est aujourd’hui réduite ; en effet, le chômage frappe environ deux fois plus les jeunes que les adultes. Et tout se complique encore si le jeune ou le futur apprenti a, de surcroît, un problème de santé, en particulier s’il souffre d’allergie ou d’atopie personnelle ou familiale.
A la consultation d’allergologie, il n’est pas rare de voir des jeunes en cours, voire en fin d’apprentissage, présenter une allergie « avancée » et qui n’aura pas été repérée à temps, pouvant ainsi compromettre l’exercice futur du métier nouvellement appris.
Cette situation a été discutée dans un groupe de travail formé de spécialistes concernés par les allergies, de médecin scolaire et d’adolescents, de médecins du travail. De la confrontation de leurs observations est née cette réflexion, qui vise à sensibiliser les médecins au repérage précoce des allergies chez les jeunes avant ou lors de leur apprentissage : tel est l’objectif voulu. Il s’agit d’offrir une aide au médecin pour conseiller adéquatement les jeunes allergiques ou atopiques dans leur choix professionnel selon leur état de santé.
Différentes situations cliniques sont analysées du point de vue de l’allergologue et de celui du médecin du travail. Ces deux regards complémentaires ont permis la rédaction de ces conseils, qui tiennent compte aussi du contexte socio-économique actuel. En fin de scolarité, deux étapes sont décisives pour qui se destine à un apprentissage :
– Le choix d’un métier
– L’entrée dans le monde du travail
A ces deux moments, les questions relatives à la santé doivent être abordées attentivement par le médecin et ce d’autant plus que les adolescents ne consultent pas volontiers.
Avant l’apprentissage (fin de scolarité obligatoire ou préapprentissage)
En cours d’apprentissage
En plus des questions spécifiques aux allergies, le médecin sera également attentif aux autres risques professionnels – chimiques, physiques, psychosociaux, etc. – auxquels l’apprenti pourrait être exposé.
Le choix de l’apprentissage : Choisir un apprentissage est déjà ardu même sans problème de santé !
Le jeune doit être motivé et sa décision, personnelle, est souvent influencée par l’entourage et par la conjoncture du moment. En outre, on est le plus souvent dans l’urgence, et comme les parents poussent à signer le contrat au plus vite, la visite chez le médecin est omise, ou remise à plus tard – c’est-à-dire trop tard.
Les jeunes qui n’ont pas trouvé à temps de place d’apprentissage risquent ainsi d’être au chômage et s’en trouvent découragés. Cette situation n’est pas exceptionnelle car l’offre en postes d’apprentissage reste inférieure à la demande ou en tout cas ne correspond pas aux aspirations : on manquera par exemple de places dans le domaine de l’informatique alors qu’il y aura pléthore d’offres dans des métiers plus manuels. On constate aussi que les exigences de la formation ont tendance à augmenter et que le choix se porte sur les meilleurs élèves. Les jeunes ayant rencontré des difficultés scolaires auront donc plus de peine à trouver une place d’apprentissage adaptée à leurs capacités et à leurs aspirations.
Actuellement environ 30 % de la population présentent une atopie et 20 % souffre d’allergie.
On peut estimer que chaque année, ce sont quelque 25000 jeunes atopiques et 15000 jeunes allergiques qui commencent un apprentissage. Ces chiffres révèlent qu’on ne peut pas écarter d’emblée un apprenti atopique ou allergique du marché du travail : une telle discrimination, inacceptable dans son principe et fausse dans sa généralisation, déstabiliserait en outre le « marché de l’apprentissage ». A ce jour, on ne connaît pas le nombre d’apprentis souffrant d’une allergie liée à leur poste de travail. Les causes de rupture d’apprentissage sont subjectives, mal connues et mal documentées.
Les raisons principales :
Malgré ce manque de données épidémiologiques, les cas observés lors d’une consultation d’allergologie manifestent l’importance du problème et incitent à une stratégie de prévention beaucoup plus active.
A noter que, dans la littérature internationale, les études prospectives sur les apprentis sont peu nombreuses. Cet « effet du travailleur sain », bien connu dans les études épidémiologiques, résulte du fait qu’une personne malade à moins de chance qu’une personne saine d’être engagée ou de rester engagée.
Dans les études épidémiologiques transversales – qui comparent deux populations à un moment donné – cette sélection entraînera ce paradoxe : le collectif de travailleurs apparaîtra plus sain que la population générale
Depuis les années 1960, on constate dans de nombreux pays occidentaux une augmentation de la fréquence d’asthme bronchique, de rhinite saisonnière et de dermatite atopique. Des études répétées, basées sur une approche méthodologique identique, ont montré avec constance une élévation de la fréquence des affections parmi les enfants et les adultes. Il semble cependant que la fréquence de l’asthme et d’autres allergies se soit stabilisée depuis une dizaine d’années.
Les eczémas qui viennent largement en tête, mais sans distinction entre les causes toxi-irritatives – les plus fréquentes – et les causes allergiques.
Toutefois, ces chiffres doivent être interprétés avec prudence, puisque ces maladies sont en général sous-déclarées, en particulier les rhinites qui passent souvent inaperçues. Chez l’adulte, on estime que 10 % environ des asthmes sont d’origine professionnelle.
De nombreux secteurs professionnels sont concernés par une exposition avec risque d’allergie ; et ceci est vrai pour l’apprenti comme pour le travailleur adulte. Comme les différents métiers impliqués ont des caractéristiques très variables selon le type d’entreprise, il n’est pas souhaitable de dresser dans l’abstrait une liste des professions à interdire aux apprentis allergiques
Le conseil restant toujours adapté à l’individu, il faut schématiser le conseil proposé lors de l’examen à l’entrée en apprentissage d’un jeune : Symptômes allergiques (Atopie personnelle et/ou familiale)
L’information et les conseils doivent venir avant l’apprentissage. On peut regretter l’absence de la législation, de l’examen de préapprentissage obligatoire,
Il convient de souligner l’importance du repérage précoce par le médecin traitant ou le médecin du travail.
Par exemple, certains développements industriels (cf. isocyanates) et de recherche visent à éliminer l’αα-amylase et le lupin dans la farine, ou le latex des objets.
• Dès qu’apparaît un problème allergique sur la place de travail, il faut envisager de faire rapidement bénéficier le patient des prestations prévues par les maladies professionnelles: prise en charge des frais médicaux sans participation de l’assuré et sans limite de temps, salaire couvert presque intégralement, appui financier pour la réorientation.
Dr Françoise Leprince
Allergologue Expert
Comité de rédaction ARCAA